Mélancolie française
qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne.
« Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! Les musulmans, vous êtes allé les voir ? Vous les avez regardés, avec leurs turbans et leurs djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri. Essayez d’agréger de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Français sont des Français, les Arabes sont des Arabes. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? […] On peut intégrer des individus ; et encore, dans une certaine mesure seulement. On n’intègre pas des peuples, avec leur passé, leurs traditions, leurs souvenirs communs de batailles gagnées ou perdues, leurs héros […]. »
Nous sommes en 1960. De Gaulle dévoile à Alain Peyreffitte. les motifs profonds de l’indépendance de l’Algérie. Ce texte vaudrait aujourd’hui à son auteur un procès médiatique et juridique en « racisme ». Il nous laisse sidéré. L’homme qui prophétisait : « La Russie boira l’URSS comme le buvard l’encre », ou encore « Les empires s’écrouleront les uns après les autres. Les plus malins sont ceux qui s’y prendront le plus vite. » Cette Cassandre à képi aurait-il encore une fois tragiquement raison ? Intégrons-nous encore aujourd’hui des individus ? Les Arabes et les Français se sépareront-ils comme l’huile et le vinaigre, après qu’on aura tenté de les mélanger ? Qu’est-ce que l’identité française, à l’ère du grand métissage ? Comment concilier l’universalisme français et l’identité ethnico-culturelle qui a façonné notre pays, son génie, sa culture, son art de vivre ?
La population musulmane en France double actuellement tous les quinze ans. À ce rythme-là, il y aura, selon les calculs de Jean-Paul Gourévitch, plus de 40 millions de résidents musulmans au milieu du XXI e siècle, soit la moitié de la population française de l’époque.
La décision gaullienne d’accorder l’indépendance à l’Algérie aura seulement retardé l’« échéance » de quelques décennies. A-t-il eu raison ou tort ? Était-il raciste, comme l’affirment encore aujourd’hui certains nostalgiques de l’Algérie française mais aussi des Repentants pourchassant inlassablement la « République coloniale » ? A-t-il renoncé pour ces mauvaises raisons à l’Algérie, ses richesses minières, mais aussi géostratégiques et démographiques ? Le mythe des « cent millions de Français interchangeables » dont de Gaulle se moquait nous poursuivrait-il malgré nous, comme un fantasme inconscient et persistant, au-delà de la décolonisation ?
Nous aurions une fois encore avec l’Algérie en particulier – et l’Afrique en général – troqué les territoires contre la population, vieille histoire qui, on l’a vu, remonte à l’après-Waterloo. Notre démographie jusque-là sûre d’elle-même et dominatrice s’effondre en même temps que notre règne géopolitique en Europe. L’immigration se substitue alors aux enfants que nous ne faisons plus ; plutôt que l’extension géographique désormais interdite par le rapport des forces militaro-politiques, nous adoptons chez nous les hommes dont nous ne pouvons plus conquérir les territoires. Nos premiers immigrants furent belges et italiens, nos peuples « frères » de la Gaule romaine, les seuls qui ne s’étaient jamais révoltés contre la Grande Armée. Puis vinrent les Espagnols, non pas ceux qui nous avaient rejetés avec le plus de violence au nom de la religion, mais les « afrancescados », les anticléricaux, les Catalans, devenus un siècle plus tard les républicains les plus farouches de la guerre civile. Enfin arrivèrent les Polonais, les derniers alliés fidèles du Grand Empire de 1810. Nous avons reconstitué à l’intérieur d’un hexagone idéalisé, forme géographique de hasard et de dépit, la diversité glorieuse de notre ancien empire napoléonien. Ayant dû renoncer à envahir nos voisins, nous avons accepté d’être envahis par les autres, pour conserver notre rang. Parce que nous ne pouvions plus
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