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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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pénétra sans crainte.
    – Monsieur Jaworski, je sais que vous ne m’aimiez pas, mais cela ne fait rien. Vous deviez avoir vos raisons. Depuis que je suis ici, je n’ai jamais osé jouer de violon pour ne pas vous irriter davantage. Maintenant, je vais le faire, pour vous, en espérant accompagner le chœur des anges; pour Anna, afin qu’elle puisse se bercer un peu; et pour moi, parce qu’aujourd’hui c’est aussi la fête du saint patron de mon frère Jan.
    Jerzy commença aussitôt à jouer devant le sourire inondé de larmes d’Anna. Il fut si absorbé par sa pièce qu’il n’entendit pas le silence de recueillement prendre possession de la maison. Quand il sortit de la chambre, M me Jaworska l’attendait de l’autre côté de la porte.
    – Pourquoi nous as-tu dit que c’était le violon de ta sœur?
    – Parce que c’est le violon de ma sœur.
    – Mais nous ne savions pas que tu savais en jouer toi aussi.
    Jerzy haussa les épaules, tentant de s’excuser faiblement.
    – Je suis contente que tu lui en aies joué. Il aimait beaucoup le violon. Je suis même certaine qu’il est maintenant très fier de savoir qu’il y a un musicien dans la f...
    Anna donna un coup de coude sans discrétion à sa mère, sentant qu’elle avait failli révéler ses souhaits les plus profonds. Le geste n’échappa pas à Jerzy.
    Le premier soir de deuil fut relativement serein, la maladie ayant préparé toute la famille à l’inéluctable. M me Jaworska échappa à la grande illusion de la mort, qui a tendance à occulter les travers du défunt en n’éclairant que ses qualités. Tout en ayant le mouchoir à portée de la main, elle ricana de toutes les mésaventures de son mari. À vingt et une heures, tous les membres de la famille se retirèrent pour retourner qui à East Selkirk, qui à Saint-Norbert, qui à Winnipeg. Anna les accompagna tous aux voitures, leur souhaitant à tous une «bonne nuit quand même». Sa mère décida de lire à haute voix au chevet du mort pendant quelque temps.
    – Ça lui a toujours fait plaisir.
    Jerzy l’écoutait poliment, attendant qu’Anna rentre. M me Jaworska ricana doucement.
    – C’est ce que j’ai de mieux à faire au cas où...
    – Au cas où quoi?
    – Au cas où mon mari serait coincé dans une file d’attente devant le bureau de saint Pierre. Il pourrait faire une colère qui risquerait de compromettre son entrée au paradis.
    Jerzy admira cette femme qui, visiblement, souffrait énormément mais tentait de n’en rien laisser paraître. Anna était de retour et elle avait entendu la dernière phrase.
    – Ça vous dérangerait, maman, si j’allais marcher un peu avec Jerzy?
    – Pas du tout. La tristesse peut nous engourdir le cœur mais pas nécessairement les jambes.
    Jerzy sortit donc derrière Anna. Ils déambulèrent pendant près d’une heure, ne parlant presque pas, chacun suivant les pistes de sa pensée. Anna s’immobilisa près de la Rouge et en aperçut les vaguelettes grâce à une lune qui était enfin parvenue à faire disparaître le soleil.
    – J’ai quelque chose à aller faire à la maison...
    – J’y vais avec toi.
    – Non! Quand même...! Je reviens dans trois minutes. Reste ici.
    Anna partit en courant. Jerzy s’alluma une cigarette et se planta les yeux devant des pensées teintées par la tristesse de la journée. Il aspira sa dernière bouffée et lança le mégot dans la rivière. Il entendit le
pchuit
et poursuivit sa réflexion sur le fait que la vie humaine, elle, ne faisait même pas un
pchuit
en s’éteignant.
    Il aperçut tout à coup devant lui, flottant sur la rivière, une couronne de fleurs et de verdure, sur laquelle des bougies avaient été allumées. Anna! Anna qui avait réussi à arracher un peu de temps à son chagrin pour fêter la Saint-Jean. Jerzy se coucha à plat ventre et, à l’aide d’une branche, réussit à attraper la couronne. Il n’éteignit aucune bougie, mais commença à marcher vers l’amont.
    – Anna! Anna Jaworska! Je sais que tu es là. Auraistu échappé quelque chose dans la rivière, Anna? Parce que moi je viens de trouver une demande en mariage!
    S’éclairant des bougies, Jerzy continua à marcher, riant aux éclats.
    – J’espère que c’est ta couronne, sinon moi je vais être forcé de fréquenter une autre demoiselle...
    Anna arriva par derrière et lui entoura la taille de ses bras. Jerzy se libéra de son étreinte, le temps de déposer les bougies et de se

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