Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
ranger la salle d’attente, qu’elle préférait appeler la salle de cours, avant d’aller rejoindre M me Dussault qui cousait quelques vêtements légers pour les vacances.
    – Vous aimez vraiment ça, coudre?
    – Oui, c’est un de mes grands plaisirs. Je ne couds pas parce que je n’ai pas les moyens de...
    – Je sais. Ma mère, elle, cousait parce qu’on ne pouvait pas s’offrir du neuf pendant la guerre. Elle m’a déjà fait une jupe dans un pantalon usé de mon frère Jerzy. J’avais été déçue parce que je rêvais d’une jupe fleurie et...
    Élisabeth se tut, voyant M me Dussault davantage préoccupée par sa crainte d’avaler les épingles serrées entre ses lèvres que par elle. Élisabeth fit la moue et soupira silencieusement. M me Dussault était la personne la plus généreuse du monde. Elle lui donnait tout, sauf, peut-être, un peu d’elle-même. Jamais elle n’avait posé de questions et Élisabeth avait la certitude que sa vie ne l’intéressait en rien. M me Dussault aurait été bien étonnée d’apprendre que sa discrétion pouvait provoquer cette réflexion, convaincue qu’il lui fallaitabsolument éviter toute allusion aux années d’enfer qu’Élisabeth avait vécues.
    Élisabeth pinça les lèvres en se regardant dans un miroir et n’alimenta plus la conversation. Elle aurait tant aimé dire à M me Dussault qu’un jeune homme lui faisait de 1’œil chaque fois qu’il la croisait dans la rue ou la rencontrait à l’épicerie ou au bureau de poste, et qu’elle croyait bien qu’il pouvait être étudiant ou professeur au collège de Saint-Boniface. Elle aurait aimé aussi lui demander s’il était normal qu’elle le trouve extrêmement séduisant, même si jamais elle ne saurait lui adresser la parole, encore moins l’autoriser à lui faire la cour. Pouvait-elle, maintenant, lui parler de Marek et de son veuvage...? Élisabeth se leva et sortit de la pièce pour aller rejoindre Philippe et Grégoire qui lançaient un ballon dans un panier de basket-ball fixé au-dessus de la porte du garage. La journée caniculaire, égarée en plein mois d’août, était intolérable et Élisabeth se demandait comment ils pouvaient courir et sauter. Elle s’assit dans l’escalier de béton, se couvrit les genoux et les jambes avec sa robe qu’elle retint de ses bras. Son réflexe, elle le constata, était un peu aberrant, car l’air, stagnant depuis des jours, ne risquait pas de faire virevolter l’ourlet. Élisabeth tapa du pied au rythme des rebondissements du ballon, souhaitant une averse. Les cris et les grondements du ciel pourraient peut-être égayer sa fin de semaine qui, comme toutes les autres, n’en finirait plus aussitôt que ses élèves l’auraient quittée.
    Un cri la força à bouger et elle se précipita auprès de Grégoire qui venait de s’écorcher un genou en chutant. Il hurlait à fendre l’âme. Élisabeth courut dans la maison, faisant rebondir la porte-moustiquaire retenue par un ressort.
    – La porte, Philippe!
    M me Dussault avait réagi avec sa patience habituelle, se trompant néanmoins de coupable. Élisabeth passa une serviette sous l’eau et ressortit pour soigner la plaie.
    – La porte, Grégoire!
    À sa grande surprise, le blessé était retourné à son jeu, le sang achevant de dégouliner le long de son tibia pour s’arrêter en imbibant une chaussette jaune pâle jusqu’à atteindre la langue noire d’une espadrille. Élisabeth regarda la serviette, sourit et s’épongea le front, puis elle se l’enroula autour du cou, espérant se rafraîchir tout le corps. Le téléphone sonna, mais elle n’alla pas répondre, sachant M me Dussault plus près de l’appareil. Elle l’entendit parler longuement et fut étonnée d’être appelée.
    – Élisabeth, c’est pour toi.
    Le père Villeneuve était au bout du fil, lui demandant si elle avait envie d’aller rendre visite à Jan le lendemain.
    – Oh oui! Est-ce que je pourrais venir avec Philippe et Grégoire?
    – Si leurs parents sont d’accord, évidemment.
    Élisabeth emporta un pique-nique dans une glacière bourrée de glaçons enroulés dans une serviette. Pour Villeneuve, Jan et elle-même, elle avait fait des sandwichs aux œufs, au jambon et au saucisson. Pour Philippe et Grégoire, elle avait tartiné le pain de beurre de cacahuètes et de confiture de fraises. Ils ne voulaient jamais d’autres sandwichs que ceux-là. Elle avait fait une limonade avec un peu plus

Weitere Kostenlose Bücher