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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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rire et se releva, un peu trop péniblement à son goût.
    – Qu’est-ce qu’il a dit, le médecin?
    – Que ça pourrait arriver d’une minute à l’autre, d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre...
    – D’un mois à l’autre. Si j’ai bien compris, il n’en sait rien.
    – Tu as mal compris. La bonne réponse est la première. Les autres sont pour épargner ma mère.
    Anna regarda l’heure et revint en direction de la maison. Elle devait relayer sa mère qui ne quittait le chevet de son père que pour se laver et avaler quelques rares bouchées destinées à la soutenir bien plus qu’à la nourrir.
    Anna profita de la nuit et du sommeil de Jerzy pour faire une couronne de fleurs et de feuilles vert tendre. Son père avait la respiration de plus en plus difficile et Anna s’arrêta de travailler à quelques reprises, l’oreille en attente du prochain souffle. Quelque chose lui disait que s’il voyait le lever du soleil, il n’en verrait pas le coucher. Elle se fit la réflexion qu’elle et Jerzy s’endeuilleraient probablement tous les deux le même jour.
    Anna se leva et alla passer un linge doux et humide sur les lèvres de son père. Elle ne comprendrait jamais l’ultime soumission dont il avait fait preuve. Elle le tourna sur le côté et glissa un oreiller près de ses reins. Il gémit et elle s’approcha de sa bouche pour essayer de comprendre ce qu’il marmonnait. Personne ne lui avait dit que la mort avait une odeur qui se sentait d’abord dans l’haleine des mourants. Anna fit un effort pour se cacher à elle-même le dédain qu’elle aurait pu avoir de son père. Sa mère entra dans la chambre en même temps que les premiers rayons du soleil. D’un coup d’œil, elle aperçut la couronne de fleurs et de feuilles et jeta un regard attendri en direction de sa fille avant de s’avancer vers son mari. Elle l’examina pendant quelques minutes avant de hocher la tête et de sortir de la chambre à la hâte pour laisser couler ses larmes. Il ne fallait jamais pleurer devant un mourant ni même devant un mort. Les vivants devaient tout faire pour lui faciliter son départ.
    Par respect pour la famille d’Anna et le mystère qui venait de pénétrer dans la maison, Jerzy alla travailler dans les jardins, regrettant de ne pouvoir rester près d’Anna qui, il le sentait très bien, allait devenir orpheline de père. Ses frères se relayaient auprès du mourant que le curé était venu oindre vers l’heure de midi. Jerzy s’écrasa dans la terre, arrachant toutes les mauvaises herbes qui avaient eu le temps de pousser. Toutes les demi-heures, il enlevait ses gants, s’essuyait les genoux et allait voir par la fenêtre de la porte principale si le miroir suspendu dans l’entrée avait été recouvert ou non. Il n’osait rentrer, se demandant s’il devait s’isoler dans sa chambre pour permettre à la famille d’être seule, ou accompagner Anna qui marchait certainement dans un sentier douloureux. Il n’entra même pas pour le repas de midi, croquant quelques radis et une laitue qu’il avait passés sous l’eau. S’il avait les yeux rivés sur la fenêtre de la chambre du père d’Anna, il avait le cœur à Cracovie, recueilli devant l’endroit indiqué par M me Grabska. Ses parents, eux, n’avaient eu personne pour les accompagner, ni d’oreiller pour amortir le coup de la mort.
    Jerzy se releva et lança les queues de radis qu’il avait gardées dans sa main. Il marcha jusqu’au village, faisant un détour pour aller à l’église brûler un lampion.
    – Hé! le Polak, est-ce qu’il est mort, le vieux?
    – Non. Mais les Jaworscy ont l’impression que sa souffrance achève.
    Il revint vers la maison et décida d’entrer. Anna lui tournait le dos, occupée à voiler le miroir de l’entrée. Jerzy regarda l’horloge, dont les aiguilles avaient été arrêtées à trois heures quinze. Il se signa, et il attenditqu’Anna achève son travail avant de l’embrasser sur les joues, qu’elle avait mouillées.
    – J’étais avec lui.
    – Et moi avec toi.
    Jerzy se dirigea ensuite vers M me Jaworska dont il embrassa les mains à plusieurs reprises. Le tour de la famille terminé, il monta à sa chambre et sortit le violon de sa sœur. Il l’accorda et descendit au salon où toute la famille priait, parfois en silence, parfois à voix basse et à l’unisson. Il demanda à M me Jaworska la permission d’entrer dans la chambre et, suivi d’Anna, il y

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