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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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de sucre que ne l’exigeait la recette. Elle avait apporté un pleincontenant de carottes et de céleris et des pots d’olives et de cornichons à l’aneth, sachant que les deux garçons s’en empiffreraient. Elle avait passé son samedi soir à faire des biscuits au gruau et des carrés aux dattes qu’elle avait l’intention de servir à la collation et au dessert.
    Ils partirent immédiatement après la messe et Élisabeth crut voir un drôle de regard passer des yeux de M. Dussault à ceux de M me Dussault.
    – Amusez-vous bien, et surtout profitez de la campagne.
    Au grand désespoir d’Élisabeth, la journée était encore plus chaude que la veille. Elle passa tout le trajet à chercher un filet d’air rafraîchissant. Plus elle approchait de Saint-Adolphe, plus elle était impatiente de voir Jan. Ils avaient si peu l’occasion de se visiter – ils s’étaient vus trois fois depuis le début de l’année 1948 – qu’elle éprouvait de la gêne durant quelques minutes quand elle le revoyait. Il y avait quelque chose en lui qu’elle ne reconnaissait pas. Un pli au front et une amertume à la bouche. Elle aperçut la ferme de M. Bergeron et trépigna sur sa banquette, ce qui amusa Villeneuve. Elle se retourna et vit que les deux garçons étaient endormis, probablement assommés par la chaleur.
    La bâtiment du personnel était vide et Élisabeth se dépêcha d’aller frapper à la porte de la maison de M. Bergeron. Personne ne répondit. Elle revint vers le père Villeneuve qui lui désigna un nuage de poussière à l’horizon.
    – J’ai l’impression que nous avons choisi une mauvaise journée. Ils doivent être à la récolte de blé.
    Philippe et Grégoire se réjouirent aussitôt, sautant sur place.
    – On y va! On y va!
    Élisabeth acquiesça sans broncher et leur demanda de passer devant, promettant de les suivre avec le pique-nique. Le père Villeneuve s’épongea le front et grimaça, n’ayant aucune envie de marcher dans les champs avec ses chaussures noires bien cirées et sa soutane propre. Il jeta un coup d’œil hypocrite au ciel, souhaitant que le Seigneur se repose et l’ignore. Élisabeth lui fit un clin d’œil de connivence et demanda aux garçons de sortir leurs mouchoirs, ce qu’ils firent sans poser de questions. Elle plaça les mouchoirs sur leurs têtes, les grondant gentiment de ne pas avoir apporté leurs casquettes de base-ball, et prit les épingles à cheveux qui retenaient sa frange.
    – Je ne veux pas avoir une
bobby pin
dans la tête. C’est pour les filles, ça.
    – Ce n’est pas négociable, Philippe. J’ai trop peur que tu attrapes un coup de soleil. On a au moins une heure de marche.
    – Je ne veux pas y aller, d’abord
    – Moi non plus.
    Grégoire, le genou décoré d’un énorme sparadrap, imitait son frère. Élisabeth prit un air extrêmement déçu et feignit de chercher une solution à leur problème. Le père Villeneuve s’épongea de nouveau le front, imité par Philippe et Grégoire, pour son plus grand amusement.
    – Si on allait pique-niquer au bord de la rivière?
    – Yé!
    Élisabeth installait la couverture pendant que le père Villeneuve découvrait – ô miracle! – deux cannes àpêche dans le coffre de la voiture. Élisabeth comprit la raison de la longue discussion de M me Dussault au téléphone avant qu’elle ne lui passe l’appareil. Elle prit légèrement ombrage de cette entente tacite dont on l’avait exclue. Elle alla rejoindre le père Villeneuve qui piquait les vers sur les hameçons, la bouche dédaigneuse, au grand plaisir de Philippe.
    – Tu as vu, Grégoire? Il a peur d’un ver. Ha, ha, ha!
    – Vous avez peur d’un ver? Ha, ha!
    – Je n’ai pas peur d’un ver, j’ai horreur de tuer un ver. Ce n’est pas pareil.
    L’air offusqué, il tendit vers et hameçons aux garçons qui, fierté oblige, les prirent sans trop de dédain et essayèrent de les embrocher.
    – Yurk! Le mien bouge encore puis il a déjà la moitié du corps sur le crochet.
    – Yurk! Le mien aussi bouge encore.
    Ils demandèrent au père Villeneuve de reprendre son travail, mais il fit mine de ne rien comprendre. Élisabeth s’amusait vraiment de la situation même si, occasionnellement, elle montait près de la route pour voir si le nuage de poussière se rapprochait ou s’il adhérait toujours à l’horizon.
    Elle sortit un livre, en lut trois phrases et le referma pour s’en servir comme d’un éventail. Philippe et

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