Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
elle le fit asseoir sur la toilette et lui coupa les cheveux, qu’elle se permit de gommer avec le produit de M. Dussault. Lorsqu’il fut habillé, elle tourna autour de lui, enchantée de ce qu’elle voyait.
    – Ma foi, Jan, tu ressembles à papa.
    – Tu trouves?
    – Tu ressembles même à Jerzy.
    – Tu penses? Il me semble que Jerzy était grand, costaud, blond, avec autant de barbe qu’un homme.
    Élisabeth le fit pivoter et le plaça face au miroir.
    – Qu’est-ce que tu vois?
    – Quelqu’un de grand, costaud, blond, avec autant de barbe qu’un homme.
    Tous les deux recommencèrent à rire. Jan s’arrêta net, regardant sa sœur dans les yeux.
    – Quelle merveilleuse journée, Élisabeth!
    – Ça commence. Ton violon a toutes ses cordes?
    – Oui. J’ai réussi à en faire venir par la poste. Élisabeth se mordit les lèvres. Comment n’avait-elle pas pensé à lui en expédier?
    Ils sortirent et marchèrent en direction de la première maison. Ils aperçurent Timothée qui les attendait derrière une des fenêtres. Élisabeth le vit sautiller, disparaître quelques minutes pour réapparaître accompagné de sa mère. La porte était grande ouverte avant même qu’ils n’aient fini de monter l’escalier. Ils pénétrèrent dans le salon et furent forcés de prendre un verre de whisky. Élisabeth se contenta d’y tremper ses lèvres alors que Jan but tout d’un trait. Timothée regardait Élisabeth avec tant d’admiration que Jan donna un coup de coude à sa sœur pour lui demander de sourire à son élève.
    – Ce petit garçon-là va te manger des yeux.
    Élisabeth haussa les épaules mais s’empressa de déplacer les cheveux bien peignés de Timothée. La petite famille s’assit religieusement pour entendre le fils jouer du violon et la mère fut ravie de voir qu’Élisabeth jouerait avec lui. Élisabeth expliquaqu’il fallait énormément de talent à un débutant pour apprendre à tenir un violon.
    – Un violoniste est un peu comme un magicien qui doit se faire pousser un instrument au bout du menton. Pendant cinq bonnes minutes, Timothée marcha, s’assit, se promena d’une personne à l’autre, pour terminer dans l’apothéose: tenir le violon sans utiliser les mains. La famille s’amusait franchement, quoiqu’un peu déroutée. Timothée s’installa enfin devant un lutrin improvisé et Élisabeth sortit son instrument.
    – Nous allons maintenant vous montrer combien un violoniste doit être une espèce de magicien pour retrouver les notes qui sont toutes cachées quelque part sur le manche du violon.
    Élisabeth laissa couler son archet sur une corde à la fois et Timothée tenta de reproduire le son qu’elle venait de faire. Il y réussit presque à la perfection, ce qui impressionna Jan. Élisabeth et lui savaient que ce qu’il faisait n’était pas facile. Elle continua à deux cordes et Timothée la suivit, comme un virtuose.
    – Maintenant, nous allons vous montrer qu’un violon parle toutes sortes de langues.
    Timothée déposa son archet et promena son petit index sur les cordes, jouant pizzicato. Il reprit ensuite son archet et joua staccato, puis legato. Élisabeth et lui s’attaquèrent enfin à
Ah! vous dirai-je, maman
, qu’ils jouèrent des trois façons.
    Élisabeth vit le plaisir dans les yeux de la famille et l’émotion dans ceux de Jan. Seul son regard chuchotait et elle savait que si elle n’avait pas bien connu son frère, elle n’aurait rien vu. À son tour, Jan sortit son violon et attendit que Timothée ait récolté toutes ses congratulations. Lorsque le lauréat, rouge d’orgueil,s’assit enfin, Élisabeth et Jan s’attaquèrent aux
Variations
et donnèrent un véritable court récital, au grand plaisir de tous. Ils quittèrent moins d’une heure après leur arrivée, ravis de la rencontre.
    – Quelle merveilleuse façon de passer notre Noël! Jan acquiesça, repensant à son précédent Noël où il avait joué seul devant les lunettes de son père et l’étui expédié par M. Favreau. Ils recommencèrent leur représentation dans les autres familles. Le déroulement était toujours le même, sauf que, le jour vieillissant rapidement, il y avait de plus en plus de fêtards dans les maisons et le whisky coulait abondamment, un peu trop au goût d’Élisabeth qui voyait le sourire de Jan se ramollir. Lui-même glissait davantage dès qu’ils étaient sur le trottoir.
    – Élisabeth, nous sommes redevenus des saltimbanques.

Weitere Kostenlose Bücher