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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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foudre, irait immédiatement au ciel, quitte à y entrer par la petite porte, celle des bigots. Soulagé, il accueillit les visiteurs suivants, qu’il n’avait jamais rencontrés. En voyant le jeune homme, il eut une vision incroyable.
    – Ne me le dites pas: vous êtes des Polonais.
    Il s’était adressé à eux en polonais, certain de son intuition. Jerzy plissa les yeux et chercha la tête de ce prêtre dans le décor de Cracovie. Il avait expliqué à Anna qu’il avait été un bon ami de son père.
    «Mais pourquoi est-ce que tu n’as même pas essayé de le revoir?»
    Jerzy avait hésité avant de répondre qu’il aurait été gêné d’y aller.
    «C’est ridicule.
    – Je le sais.»
    Il s’était tu, buté, avant de prendre un air misérable. «La vraie raison, c’est que je n’avais absolument pas le courage de me faire dire qu’il était mort. Pas plus que je n’avais le courage de lui annoncer la mort de ma famille. C’est tout.
    – C’est encore plus ridicule. Il est vivant et je suis certaine qu’il aurait été enchanté de te savoir à Winnipeg.
    – On verra ça aujourd’hui.»
    Villeneuve et Jerzy se fixèrent durant un long moment. Villeneuve se racla enfin la gorge, se leva, contourna le pupitre et se dirigea vers Jerzy. Celui-ci comprit ce qu’il allait faire et se releva aussi rapidement qu’il le put. Il se planta devant Villeneuve dont la bouche et le menton tremblaient sur ses lèvres pincées. Jerzy regarda Anna et tenta de sourire malgré son émoi.
    – Jerzy.
    Villeneuve ne dit pas un mot de plus, arrachant presque la tête de Jerzy tant il l’étreignit. Il voulut lui parler d’Élisabeth et de Jan mais ne put placer un mot, Jerzy lui demandant d’abord s’il pouvait bénir son mariage et enchaînant sur un rapide sommaire de ses neuf dernières années.
    – Nous nous mettons à table dans quinze minutes. Je vais aller aviser immédiatement d’ajouter deux couverts. Jerzy le regarda partir tout en serrant la main d’Anna.
    – C’est bon, Anna. Merci d’avoir insisté.
    – C’est extraordinaire. Avec lui, tu ressembles à une personne que je ne reconnais pas.
    – Probablement mon père.
    Villeneuve passa à la chapelle, s’agenouilla et se signa devant le tabernacle, abasourdi par l’immensité du miracle. Il fomenta alors une idée, espérant qu’elle lui serait pardonnée. Il alla ensuite aux cuisines et fit jurer le silence à toutes les religieuses.
    – Vous allez lui trouver un air de famille, mais n’ayez pas un sourcillement d’étonnement.
    Les religieuses promirent et Villeneuve revint trouver Jerzy et Anna.

43
    Les narines remplies du parfum des bourgeons, Villeneuve roulait le cœur léger, oubliant ses coutumières embardées de distraction. Il sifflotait des airs plus païens que religieux, mais il s’en amusa plutôt que de s’en confesser. Depuis les retrouvailles avec Jerzy, il n’avait cessé de répéter
Deo granas
sur
Deo gratias.
Oh! le plaisir qu’il se promettait le jour du mariage de Jerzy! Il regarda le ciel dont le bleu semblait déteindre sur la totalité de la plaine. Le cercle jaune du soleil ressemblait à une coquetterie céleste, épinglette piquée là uniquement pour lui rappeler l’ostensoir. De l’autre côté, derrière la rive grattée et coiffée de multiples raies, Villeneuve devina les maisons de Saint-Norbert. Il essaya d’imaginer Jerzy accroupi dans un champ, la main remplie de grains, ou debout à côté de la pompe, étanchant sa soif. Il repoussa l’idée que Jerzy était peutêtre occupé à frôler Anna et à soupirer son désir en lui mordillant les oreilles.
    Les réflexions de Villeneuve dérapèrent dans le temps et il vit le sourire de Tomasz et de Zofia. Ils auraient aimé leur belle-fille. Anna avait un humour exceptionnel et aimait leur fils au visage d’ange et à la jambe de fantoche. Du revers de la main, Villeneuve s’essuya le nez, pensant à l’impitoyable cruauté de la vie quand elle s’acharnait sur les êtres. La silhouette deSaint-Adolphe découpa l’horizon et il réussit à sourire. Il aimait bien arriver sans s’annoncer, Jan voyant en sa présence la promesse de quelques heures de récréation ou de repos. Il klaxonna en rangeant son auto près du bâtiment des employés et vit quelqu’un faire un pas en arrière afin de ne pas être vu dans la fenêtre. Il monta sur le perron et frappa avant d’entrer mais la porte était sous verrou. Étonné, il frappa de

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