Même les oiseaux se sont tus
surtout se préparer à revoir M. Favreau. Il balayait ses craintes, refusant de penser que Favreau ne serait peut-être pas venu l’accueillir ou avait peut-être oublié ses promesses.
Le train commença à bousculer doucement ses passagers, freinant par à-coups durant son approche de la gare pour enfin s’immobiliser complètement. Jan empoigna les valises et demanda à Élisabeth de passer devant lui.
– Tu me le dis dès que tu les vois, Élisabeth.
– Veux-tu aussi le savoir si je ne les vois pas?
– Ils vont être là.
Jan se tut, sentant un suintement de nervosité au-dessus de sa lèvre supérieure. Il posa une valise pour s’essuyer du revers de la manche avant de monter dans l’escalier mécanique derrière Élisabeth.
Ils arrivèrent dans le hall et une fanfare pinponna un air polonais. Jan éclata de rire en apercevant M. Favreau qui tenait une pancarte sur laquelle était écrit P AWULSKI , semblable à celle qui leur avait souhaité la bienvenue à leur arrivée, près de quatre années plus tôt. Il ne remarqua pas qu’Élisabeth avait tiqué. De toute évidence, les Favreau ne l’attendaient pas. Si cela avait été le cas, ils auraient inscrit P AWULSCY.
– Et Élisabeth est là aussi! Mais c’est merveilleux! Merveilleux!
Élisabeth regarda Jan et fut renversée de voir la joie lui déchirer la figure par un sourire à fendre l’âme de n’importe qui.
Jan posa les valises et se précipita dans les bras de M. Favreau qui se comportait vraiment comme un père venu accueillir son fils rentrant du front. M me Favreau, elle, se réfugia dans les bras d’Élisabeth, ne cessant de lui dire la chance qu’avait Montréal de s’enrichir d’une aussi belle et talentueuse jeune femme. Élisabeth n’osa pas la contredire, mais elle se demanda si Jan avait eu ne fût-ce qu’une toute petite pensée pour Jerzy. Ellesentit que son cœur se noyait un peu devant l’évidence: Jan venait de retrouver sa famille.
M. Favreau pressa Jan d’entrer. Ce dernier s’immobilisa sur le seuil de l’épicerie, fit le tour du magasin des yeux avant d’y pénétrer presque religieusement et de humer l’odeur des épices et des légumes. Il pressa l’étui à lunettes de son père, qui était, depuis son départ du Manitoba, appuyé sur son cœur dans sa poche de poitrine. Il se tourna pour regarder Élisabeth qui souriait de ses souvenirs.
– Rien n’a changé.
M me Favreau ricana qu’elle avait vainement tenté de convaincre son mari d’effectuer quelques aménagements.
– Il vous attendait.
Favreau eut un air gêné tandis que Jan fondit de reconnaissance. Quant à Élisabeth, elle savait parfaitement qu’on n’avait pas envisagé son retour. M me Favreau fit une légère pression sur son bras pour lui faire comprendre qu’elle avait lu ses pensées et tenter de la détromper.
M. Favreau passa devant Jan et l’incita à le suivre à l’extérieur de l’épicerie.
– Pourquoi?
– Parce que c’est la façon d’entrer chez vous.
Le frère et la sœur se regardèrent sans comprendre. À la queue leu leu, ils longèrent l’épicerie et montèrent l’escalier intérieur, adjacent au garage, M. Favreau fermant la marche comme s’il voulait s’assurer que tout son monde était bien là. Jan entra derrière M me Favreau, qui avait déverrouillé la porte, et ils pénétrèrent dans une assez grande pièce presque ronde,avec laquelle communiquaient deux chambres, une salle de bains et une cuisine. Jan et Élisabeth retinrent difficilement leur surprise en reconnaissant la table et les chaises qu’ils avaient vues lors de leur première visite. M. et M me Favreau les laissèrent seuls et disparurent si discrètement que Jan n’entendit pas la porte se fermer ni même se rouvrir lorsque M. Favreau vint déposer leur bagage.
Jan étreignit l’étui à lunettes pendant qu’Élisabeth s’émerveillait devant la luminosité de la plus petite chambre. Jan, lui, se planta devant la fenêtre arrière et regarda la ruelle dans laquelle des enfants criaient pour rien, déversant leur trop-plein d’énergie pendant la pause de midi. Tout à leurs réflexions, ils n’entendirent pas revenir M. Favreau. Dans l’embrasure de la porte, il les regardait, aussi ému et heureux qu’eux.
– M me Favreau se demande si vous voulez prendre une bouchée avec nous.
Jan sursauta et se tourna pour lui faire face.
– Si vous nous invitez, c’est certain!
Jan décréta qu’Élisabeth
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