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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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prendrait la grande grande chambre à coucher et qu’il se contenterait de la petite, ce qu’Élisabeth refusa. Jan ne voulut pas discuter, alléguant qu’elle aurait besoin d’espace pour recevoir ses élèves. Élisabeth préféra ne pas dire qu’elle n’avait jamais eu l’intention de demeurer à Montréal, Étienne l’attendant pour la rentrée de septembre. Elle soupira et haussa les épaules en voyant Jan, souriant, porter son bagage. Elle ne cessait de l’observer, le cœur à l’étroit dans la poitrine, autant parce qu’elle le savait heureux que parce qu’elle sentait qu’il avait de moins en moins besoin d’elle.
    Élisabeth ouvrit le placard. M me Favreau y avait laissé de nombreux cintres. Elle suspendit les jolies robes offertes par M me Dussault et posa ses chaussures sur les lattes du plancher. Quand elle eut terminé, la chambre lui sembla encore vide et elle se demanda si, dans deux mois, elle y aurait inscrit un semblant de présence. Elle inspira silencieusement, souhaitant y laisser ne fût-ce qu’un souvenir.
    Élisabeth pensait à rejoindre son frère pour lui donner un coup de main lorsqu’elle entendit claquer la porte d’entrée et les pas de Jan se précipiter dans l’escalier. La seconde porte, celle qui donnait sur l’extérieur, claqua à son tour et Élisabeth sentit la maison vibrer. Elle songea qu’elle devrait lui apprendre à respecter le calme des Favreau.
    Élisabeth se dirigea vers la chambre de Jan et sourit devant le fouillis qu’il avait réussi à y créer. Sa valise avait été lancée sur le lit et il en avait certainement extrait quelques vêtements car elle était sens dessus dessous. Élisabeth s’interdit de fouiller la commode et le placard de son frère, sentant qu’il y aurait eu là quelque chose d’indiscret: Jan habitait déjà la totalité de l’espace de sa chambre. Élisabeth eut une pointe d’envie. Jamais, depuis Cracovie, elle n’avait eu le sentiment d’être chez elle. Elle s’englua dans le rêve qu’elle et Étienne nourrissaient d’une petite maison de crépi blanc dans laquelle ils s’installeraient sitôt mariés.
    Jan poussa la porte et sentit son cœur faire écho au son de la clochette clouée juste sur le cadre. M. Favreau leva les yeux et lui sourit avec tellement de plaisir que Jan, encore une fois, eut de la difficulté à croire à sabonne étoile. Il passa derrière le comptoir, arracha un tablier au crochet et le revêtit avec empressement. Il fixa un crayon noir et gras sur son oreille, et, sans attendre que M. Favreau lui parle, s’en alla dans les allées du magasin voir si tout était en ordre sur les tablettes. Il s’arrêta devant chaque produit, lut toutes les étiquettes, et replaça les boîtes, faisant des rangées bien droites. Il examina les étalages de produits en vrac.
    – Est-ce que la farine puis le riz, comme ça, attirent la vermine?
    – Je touche du bois parce que je n’ai pas de vermine. Mais, dans l’alimentation, on sait que ça peut arriver.
    – Même pas dans les ordures?
    M. Favreau concéda qu’il avait déjà aperçu quelques rats dans la ruelle, mais que, depuis qu’il avait construit une énorme boîte de bois dans laquelle il plaçait les poubelles, les rats étaient allés ailleurs. Jan pensa immédiatement à la fable de La Fontaine.
    – Ils doivent être partis dans les champs.
    Il s’apprêtait à rire de sa blague, mais vit que Favreau n’avait pas compris. Il haussa les épaules et poursuivit sa reconnaissance des lieux. Dès que les clients lui en laissaient le loisir, M. Favreau l’observait, pinçant la bouche devant la détermination évidente de son protégé. Jan se dirigea vers l’étal de légumes, où les asperges fraîches et d’un vert étonnant semblaient être les seuls légumes à n’avoir pas étouffé dans les caveaux.
    – Vous êtes certain d’en avoir assez, M. Favreau?
    – Oui. Les gens n’aiment pas tellement les asperges.
    M. Favreau appuyait sur le s de «gens». Jan fut presque scandalisé. Comment les gens pouvaient-ils bouder de la nourriture?
    De l’étage, M me Favreau agita la cordelette faisant résonner un grelot. Jan et M. Favreau montèrent. Jan conserva son tablier, se contentant, par politesse, d’enlever sa casquette. Élisabeth était déjà sur place et Jan sourit en la voyant. Elle le toisa. Son frère, pensa-t-elle, était plus habillé par un tablier que par une salopette de cultivateur. M. Favreau avala ses

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