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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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réaliser.
    Le bûcher se consumait toujours quand les artificiers allumèrent une première gerbe rouge qui se fixa au ciel quelques secondes avant de retomber en scintillements. Quelques comètes suivirent, puis, d’un treillisgigantesque fixé au sol près du lac, s’enflamma la tête du pape Pie XII. M. Favreau applaudit.
    – Il faut quand même être artiste pour faire une tête de pape en feu de couleur!
    Des candélabres furent lancés du sol avant que ne pétille une seconde tête.
    – C’est la tête de qui?
    – Notre archevêque, Paul-Émile Léger.
    – Il est mort?
    – Non, pourquoi?
    Jan esquissa son premier sourire et claqua la langue avant de dire qu’il avait hâte d’être connu pour voir sa tête en feu de Bengale.
    M. Favreau se mit à rire.
    – Je savais que tu rêvais, mais rêver comme ça, c’est spécial. Il va falloir que tu retombes sur terre. Je suis épicier, Jan. Pas médecin ou avocat. Si tu suis mes traces, tu vas être épicier.
    – C’est bien mon intention. Mais j’aimerais bien retomber sur terre après avoir été épinglé au ciel par des aiguilles de feu.
    Jan haussa les épaules en continuant à sourire. Perplexe, Favreau le regarda avant de sursauter à cause d’un pétard plus bruyant que les autres. L’air, déjà lourd d’humidité, s’était coloré en bleu et avait pris une odeur de bois brûlé et de poudre à fusil.
    Ils décidèrent d’assister tous les quatre à la messe de minuit que Mgr Léger célébra en l’église Notre-Dame. Durant la messe, Jan ne cessa de regarder au plafond, cherchant dans les planches de bois peint et les plâtres dorés un sens à cette première journée qu’il venait de vivre, auréolé de son rêve.
    Le 24 juin arriva accompagné de cris et de rires. Jan s’éveilla et sourit quand il entendit les pétards résonner dans la ruelle. Élisabeth frappa et entra dans sa chambre, épouvantée.
    – Tu as entendu, Jan?
    – Mais oui. Ce sont des pétards. Ça fait partie de la fête.
    – J’aime mieux le silence des couronnes de feuilles qui dérivent amoureusement sur les rivières. J’ai entendu assez d’explosions hier soir.
    – Veux-tu qu’on aille sur le mont Royal chercher la fleur de la fougère?
    Élisabeth s’assit au pied du lit de son frère et lui caressa une cheville. Jan cessa de sourire.
    – Tu n’as pas l’intention de rester, Élisabeth.
    Élisabeth regarda son frère et cligna des yeux. Les lèvres pincées par la désolation, elle hocha la tête.
    – À cause d’Étienne?
    – À cause d’Étienne. À cause de Jerzy. À cause d’Anna. À cause de Stanislas. À cause de toi.
    Sa voix se cassa et Jan s’assit et s’approcha pour la consoler.
    – Quand as-tu l’intention de partir, Élisabeth?
    – Pour la rentrée de septembre. J’espère que tu vas rencontrer une belle Montréalaise pour greffer une nouvelle branche sur l’arbre des Pawulscy.
    Jan enlaça Élisabeth et lui caressa les cheveux, ne sachant comment lui avouer qu’il vivait son premier chagrin montréalais. Il avait espéré que sa sœur resterait avec lui le temps qu’il s’adapte et s’amalgame au mortier des briques de sa nouvelle ville. Il ne sut comment lui suggérer de travailler durant l’été, le temps de voir si elle aurait aimé cette ville comptantpresque autant de clochers que Cracovie. Le temps de mesurer le bonheur de son frère. Le temps de comprendre qu’il avait choisi une vie parfumée d’odeurs d’orange et d’essence de vanille. Il se leva et s’étira devant la fenêtre, passa à la salle de bains pour en ressortir rafraîchi dix minutes plus tard.
    – Le temps est douteux. Penses-tu qu’ils vont faire le défilé?
    Jan ne répondit pas et Élisabeth passa à la cuisine, ouvrit la porte du réfrigérateur dans lequel M me Favreau avait placé quelques aliments, sourit de cette attention et commença à préparer un petit déjeuner pour elle et son frère.
    – Il fait tellement chaud, Élisabeth. Il me semble qu’au Manitoba il ne fait jamais aussi chaud que ça.
    Élisabeth ne répondit pas que le temps avait été semblable le jour de l’orage meurtrier. Jan grignota rapidement, ne cessant de regarder l’heure. Il descendit à la hâte après avoir salué sa sœur.
    – Me permets-tu de ranger tes tiroirs, Jan?
    – Si tu veux. Mais je ne garantis pas qu’ils vont être à l’ordre tout le temps.
    Élisabeth fit le ménage de sa chambre, lava la vaisselle qu’elle plaça dans les

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