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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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qu’elle avait une drôle d’allure avec sa robe imprimée, ses gants, ses cheveux collés aux tempes, les fesses posées sur la bordure du trottoir et les mains tenant la poignée du parapluie, installé entre ses jambes comme si ç’avait été un violoncelle. Il lui sourit quand elle le regarda, inquiétée par un roulement de tambour dont le batteur semblait tapi derrière un gros nuage brunâtre.
    – Il faisait si beau hier. Ça arrive souvent, des changements comme ça?
    – Tu le sais bien, Élisabeth. Ça arrive comme ça partout dans le monde.
    Élisabeth, qui avait voulu être rassurée, fit un rictus pathétique. Jan comprit qu’elle était presque aussi terrorisée que lors de la traversée de la Manche. Jamais, depuis leur arrivée au Canada, il n’avait eu l’occasionde voir aussi clairement que les cicatrices de sa sœur étaient recouvertes d’une chair encore fragile.
    – Élisabeth, cesse de penser à Saint-Adolphe. S’il y a un orage, nous allons tout de suite nous réfugier...
    – J’ai peur de la panique, Jan.
    Favreau, qui avait entendu la dernière phrase d’Élisabeth, s’approcha d’elle.
    – À moins que la foudre ne tombe ici, les gens vont rire de la pluie. La pluie peut faire partie de la fête, tu sais.
    Élisabeth tenta un sourire qui ressembla davantage à une grimace. Jan la prit par l’épaule et lui plaqua une bise sur la joue.
    – Élisabeth, s’il te plaît... Je suis venu voir le défilé de l’avenir. La Manche et Saint-Adolphe, c’est derrière.
    –Tu m’as dit quelque chose qui ressemblait à ça en arrivant à Halifax.
    – Je n’ai pas changé d’idée.
    Un murmure rapidement suivi d’un cri de joie monta en raz-de-marée. D’un bond, la foule, avachie et écrasée par l’humidité, se leva, prête à applaudir. Des voitures, dans lesquelles prenaient place les dignitaires, roulèrent lentement, permettant aux officiels de saluer à gauche et à droite. Jan agita la main en criant «Bonjour! Bonne fête!» chaque fois qu’il réussissait à accrocher un regard. Élisabeth oublia les nuages quand l’humidité de l’air transporta le son des trompettes accompagné du roulement des tambours et du tintement des triangles. La foule s’agita et la rumeur indiqua à Jan que le premier char avait déjà franchi plus de la moitié du parcours et arriverait sous peu à l’angle des ruesSherbrooke et Saint-Hubert. Une fanfare passa enfin devant eux en jouant
Marianne s’en va-t-au moulin
avec cœur et poumons. Élisabeth battit la mesure, frappant le trottoir de son parapluie.
    – Bonjour! Bonne fête!
    Le premier char, tiré par une voiture décapotable, fut enfin en vue. Sur les planches du véhicule à jupette, Jan vit un moulin à vent dont la roue tournait mécaniquement, le ciel de Montréal lui-même ne pouvant souffler sous la canicule. La fée des étoiles se tenait à l’avant, non loin d’un four à pain et de la croix du mont Royal.
    – C’est un peu encombré, non?
    – Il faut bien que Marianne ait son moulin!
    Les trompettes et les xylophones criaient
Vive la Canadienne
tandis que Jan regardait le deuxième char, où s’élevait une arche en forme de cœur piquée de fleurs et surmontée d’un angelot. Vêtues comme des princesses, les bras remplis de gerbes certainement odorantes, de belles Montréalaises souriaient malgré cette chaleur grisâtre accrochée aux clochers. Aux pieds des demoiselles, Jan aperçut une espèce de drapeau fleurdelisé dont les fleurs avaient été remplacées par des moutons blancs. Il n’avait même pas encore tout vu que déjà un troisième corps de clairons et trompettes foulait le pavé noir de ses bottes blanches. Élisabeth se pencha à l’oreille de son frère pour lui dire que ces uniformes ne l’effrayaient pas. Jan éclata de rire, lui serrant encore une fois l’épaule de plaisir.
    Vingt chars se succédèrent à un rythme assez lent pour ne pas déséquilibrer les figurants, tous costumés, tous souriants, certainement en nage sous leurs falbalas. Les raquetteurs, vêtus de lainage dans un décorhivernal, furent ceux qui attirèrent le plus de sympathie, certains spectateurs essayant de les asperger de leurs breuvages, faisant rire à la ronde. Élisabeth soupira devant la beauté du
Cheval blanc
, attristée d’apprendre que la légende voulait qu’un diable fût caché sous cette belle bête. Elle pinça le bras de son frère lorsque des Canadiens d’origine japonaise, marchant

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