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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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armoires, puis passa dans la chambre de son frère. Elle ouvrit les tiroirs de la commode pour y mettre sous-vêtements et chaussettes trouées, chemises trop petites et lainages percés. Elle s’assit quelques minutes, tira sur le col avant de sa robe et souffla sur sa poitrine dans l’espoir de se rafraîchir.
    – Ça promet!
    Elle prit la valise de Jan pour la glisser sous le lit, mais son frère ne l’avait pas fermée et elle s’ouvrit pour laisser tomber le violon de Jan et une boîte desouvenirs qu’Élisabeth avait déjà vue à Saint-Adolphe. Elle l’ouvrit, la boîte n’étant pas solidement refermée, regarda les feuilles d’érable séchées dans le livre donné par M. Favreau lors de leur arrivée au Canada et l’étui contenant les lunettes de leur père. Elle embrassa sa moitié d’alliance de bois, mais, surtout, caressa les cordes de violoncelle. Le contact du métal sur sa joue la rafraîchit et, d’une certaine façon, apaisa son chagrin.
    Élisabeth s’empressa d’aller frapper chez M me Favreau pour lui demander si elle avait un crochet.
    – Quelle sorte de crochet?
    – Un crochet assez gros pour suspendre l’étui à violon de Jan.
    Elle remonta avec le crochet et un marteau et installa l’instrument à la tête du lit de son frère. Elle eut une irrésistible envie de jouer et alla chercher son violon. Elle posa les lunettes et les cordes de violoncelle sur la commode et accorda son instrument, qu’elle avait été forcée de condamner au silence depuis une semaine.
    – Un duo, papa, ça te plairait?
    Elle attaqua enfin une aria avec l’empressement et la fougue qui suivaient le sevrage imposé par le voyage. Dans l’épicerie, M. Favreau entendit la musique.
    – C’est mieux que les coups de marteau.
    Jan s’était immobilisé, ne manquant pas une note du petit concert que lui faisait sa sœur. Il pria intérieurement pour qu’Élisabeth ait donné le premier coup d’archet de sa vie de Montréalaise.
    L’heure du défilé de la Saint-Jean approchait et le ciel, sournoisement caché derrière des nuages gris, necessait de gronder. Élisabeth s’énervait, craignant qu’il n’éclate.
    – S’il y a du tonnerre, Jan, je n’y vais pas.
    Jan comprenait les craintes de sa sœur mais s’attristait du fait qu’elle pourrait rater cette fête des Canadiens français. Élisabeth se tenait à la fenêtre, épiant le ciel comme s’il pouvait ouvrir le feu.
    – Calme-toi, Élisabeth. Il y a encore du soleil.
    – Il faiblit. Et les nuages viennent de l’ouest.
    – Qui t’a dit que c’était l’ouest? Tu ne connais pas encore la ville.
    – Peut-être, mais je sais que c’est l’ouest.
    M. Favreau suait et transpirait, heureux comme un écolier faisant l’école buissonnière. Jan et Élisabeth suivirent les Favreau qui, encore une fois, jouaient du coude pour s’assurer d’avoir de bonnes places.
    – Veux-tu me dire ce qui m’a pris de fermer le magasin par un samedi où tout le quartier veut de la bière?
    Élisabeth ne cessait de regarder le ciel, de plus en plus menaçant. L’air était si lourd que Jan avait le front mouillé et les lèvres humectées par des gouttelettes qu’il ne cessait de lécher tout en s’essuyant les tempes avec un mouchoir à carreaux. Élisabeth, qui s’était entêtée à porter des gants et une robe cintrée, transpirait encore davantage et devait essuyer les moqueries de son frère et de M. Favreau quand elle soupirait et tentait désespérément de décoller les mèches de cheveux qui lui adhéraient au front.
    – Est-ce qu’il va y avoir des soldats en uniforme?
    – Des policiers, sûrement. Des soldats... peut-être. Mais les plus beaux uniformes que nous verrons seront ceux des musiciens.
    – Des musiciens? Encore?
    Jan venait de recevoir une petite brise de fraîcheur en entendant parler de musique. Quant à Élisabeth, elle écouta davantage les grondements qui percussionnaient dans le ciel. M. Favreau remit aux autres les journaux qu’il avait apportés, en faisant des sparages.
    – Je pense à tout. Je pense à tout. Rien de plus pratique qu’un journal. Vous pourrez vous en servir comme coussin. Si l’orage éclate, levez-vous à la hâte et changez-le en parapluie.
    Devant cette remarque, Élisabeth prit un deuxième journal qu’elle déplia et posa avec précaution sur le trottoir. Malgré la recommandation de M me Favreau, elle avait insisté pour emporter un parapluie. Jan la regarda et trouva

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