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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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contraire.
    – Mais elle aime tellement les enfants...
    – Ça ne l’a pas empêchée de quitter les petits Dussault et ses élèves.
    Anna demeura songeuse. Se pouvait-il qu’Élisabeth ait refusé d’aimer Étienne et tous les enfants avec lesquels elle avait été mise en contact? Elle étaitdéroutée. Elle n’avait jamais entrevu la possibilité qu’Élisabeth puisse demeurer seule. Pour elle, il était impensable qu’aucun homme ne découvre et n’aime son extraordinaire belle-sœur.
    – Mais elle envoie de l’argent pour Stanislas.
    – Oui, parce que Stanislas c’est de la famille. Elle est dans son univers.
    Anna regarda Jerzy avec étonnement et admiration. Elle aurait vraiment apprécié qu’il s’analyse lui-même aussi facilement. Mais, s’il comprenait ceux qu’il aimait, elle avait presque peur de conclure qu’il n’éprouvait aucune estime pour lui-même puisqu’il devenait borgne, aveugle ou simplement menteur chaque fois qu’il tentait de se regarder.
    Étienne commanda un dernier café après avoir regardé sa montre et leur demanda s’ils pensaient pouvoir venir le visiter à Ottawa. Jerzy et Anna ne purent que répondre qu’ils le souhaitaient. Le casse-croûte sentait le diesel, dont les effluves passaient sous les portes et même par les joints du plancher. Toutes les gares exhalaient la même odeur et toutes les personnes qui fréquentaient les gares avaient les mêmes mines. Il n’y avait à peu près que trois expressions la hâte, la joie ou la tristesse. Une voix nasilla quelque chose que seul Étienne comprit.
    – Ça y est.
    Il avala rapidement sa dernière gorgée, ramassa sa valise et passa à la caisse pour payer les six cafés qu’ils avaient bus. Jerzy s’excusa pour quelques instants et se dirigea vers la toilette des hommes. Anna en profita pour parler seule avec Étienne.
    – Je n’ai jamais osé le demander, Étienne, mais depuis que je suis dans la gare, je ne cesse de m’interroger. As-tu parlé à Jan le jour de son départ?
    – Non, il était déjà monté dans le train. Mais j’ai pu le saluer du quai.
    – Est-ce qu’il souriait?
    – Quand il m’a vu, oui. Mais je t’avoue que moi je regardais Élisabeth.
    – Je regrette que nous l’ayons laissé partir comme s’il avait été un galeux. Pauvre Jan!
    Mais c’est comme un membre de la famille qu’Étienne fut accompagné jusqu’à son wagon.
    – Au revoir! Je pense bien être ici pour Noël.
    Anna le regarda entrer dans le wagon et, parallèlement à lui, marcha sur le quai. Le train démarra et elle agita la main jusqu’à ce qu’elle le perde de vue. Elle revint vers son mari.
    – Tu aurais dû accompagner ton frère, Jerzy. Je pense qu’il a raison de t’en vouloir.
    Anna attendit vainement que son mari lui réponde. Elle ne pouvait savoir que Jerzy ne voyait que sa canine et qu’il la trouvait désagréablement proéminente.

55
    M. Favreau regardait Jan remonter la rue Saint-André, les roues avant du triporteur enlisées dans la neige qui avait pris Montréal d’assaut en ce début de décembre. Il soupira de fierté devant l’acharnement et l’entêtement de Jan à effectuer les livraisons.
    – Tu peux attendre à demain, Jan. Les rues sont impraticables.
    – Raison de plus. M me Noël ne peut pas sortir de chez elle. Il faut absolument que j’aille lui porter sa commande, sans quoi elle va s’inquiéter.
    Jan arriva enfin en suant comme un bœuf, poussa le triporteur par-dessus le banc de neige et le stationna près de la porte. Il entra, le visage rouge comme une crête de coq, enleva son manteau et revêtit immédiatement un tablier. Il passa dans l’arrière-boutique, chauffée juste assez pour éviter que la tuyauterie n’éclate, et en ressortit portant une caisse remplie de boîtes de petits pois. Avec un crayon gras, il marqua le prix sur chaque boîte avant de les déposer sur une tablette.
    – Qu’est-ce que vous diriez si je repeignais le magasin?
    M. Favreau, qui mettait de l’ordre dans les livrets de factures de sa clientèle, retint un sourire. Il attendait cela depuis au moins un mois.
    – Pour quoi faire? De toute façon, il y a des tablettes devant les murs et de la marchandise sur les tablettes. On ne voit pas grand-chose.
    Jan hocha la tête. Il retourna à l’arrière chercher un autre carton, contenant, cette fois, des boîtes de tomates à l’étuvée.
    – Pouvez-vous me dire les trois couleurs du plafond?
    M. Favreau leva les yeux

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