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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Sais-tu, Anna? Je me suis trompé. Je pensais être un Polonais vivant au Manitoba, mais je commence à croire que je suis un Égyptien en pleine catastrophe dessept plaies. J’ai tout eu. Et je ne suis pas loin de croire que notre premier-né aura la vie sauve uniquement parce que Dieu a inscrit quelque part le sacrifice du benjamin de ma famille. Je ne me sens plus chez moi, Anna. Je me sens en exil.
    Là-dessus, Jerzy rentra dans le bâtiment pour y beugler en paix, faisant en sorte qu’Anna ne l’entende pas appeler son frère et sa sœur à son secours. Sur le guéridon du salon, le violon avait cessé de crépiter.

53
    Jan regardait Élisabeth remplir sa valise. S’il avait eu espoir qu’elle ne quitterait pas Montréal, il devait maintenant se rendre à l’évidence: l’appel de l’Ouest était plus fort, même s’il avait espéré un instant que l’arrivée de Florence la retiendrait. Jamais ils n’avaient entendu une enfant aussi talentueuse. Jan se demandait souvent, par pure curiosité, si Élisabeth, au même âge, avait été plus ou moins douée que Florence.
    – Es-tu certaine que tu auras envie d’habiter Ottawa?
    – Non. Je ne suis certaine de rien, Jan. Tout ce que je sais, c’est que je voulais être avec toi le temps que tu t’installes. Tu aurais pu vouloir rentrer. C’est tout.
    Élisabeth plia quelques vêtements puis les laissa tomber en regardant son frère.
    – Jerzy et Anna auraient vraiment eu besoin de notre aide cet été et nous n’avons pas été là.
    Jan ne répondit rien. Il pensait que, d’une certaine façon, sa sœur et Jerzy se ressemblaient. Ni l’un ni l’autre n’avaient vraiment choisi. Élisabeth rentrait, mais pas une fois elle n’avait dit le faire pour elle. Quant à Jerzy, il répétait, en ricanant il est vrai, qu’il avait voulu s’installer en Australie mais qu’il avait abouti au Canada. Qu’il avait choisi les vergers de St. Catharines en Ontario mais que la rencontre d’Annal’avait mené à Saint-Norbert. Jan eut l’impression qu’il était le seul de sa famille à aimer être où il était. Élisabeth, elle, était avec qui elle aimait.
    – Jan!
    – Quoi?
    – Qu’est-ce que tu en penses?
    – De quoi?
    – Tu n’écoutes jamais, Jan.
    Apparemment, elle avait dit quelque chose d’important, à en juger par l’agacement qu’elle montra en reprenant ses effets et en les plaçant sans délicatesse dans la valise. Il sortit de la chambre et alla se verser une bière dans la cuisine. Il alluma la radio, changea d’idée et éteignit. Il revint vers la chambre de sa sœur et s’appuya contre le cadre de la porte.
    – Qu’est-ce que tu dirais si, pour ton dernier soir à Montréal, je t’emmenais manger au restaurant?
    – Qu’est-ce que tu dirais si, pour mon dernier soir à Montréal, tu m’emmenais manger au restaurant mais que tu invitais aussi les Favreau?
    – Je dirais que j’aimerais mieux être tout seul avec toi pour le souper, mais qu’on pourrait peut-être prendre le café avec eux.
    – Si les Favreau sont d’accord, ça me va.
    Jan alla chez les Favreau pour en revenir quelques minutes plus tard.
    – M. Favreau vient de partir pour le stade Delorimier, voir une partie de base-ball. J’ai demandé à M me Favreau de nous accompagner. Je ne pouvais quand même pas la laisser seule.
    Élisabeth sourit à son frère avant de lui demander de poser la valise sur le tabouret de sa table de maquillage. Jan s’exécuta.
    Ils prirent le tramway rue Saint-Denis et descendirent à l’angle de Sainte-Catherine. De là, ils marchèrent lentement, pour ne pas fatiguer M me Favreau – qui, après tout, devait bien avoir cinquante ans –, presque jusqu’au coin de Saint-Hubert et pénétrèrent chez
Da Giovanni
. Élisabeth s’était arrêtée de longues minutes devant la vitrine de chez
Ed. Archambault et fils
pour reluquer les pianos.
    – Ça va me manquer, ce magasin. J’aimais venir ici regarder les feuilles de musique et entendre les gens pianoter.
    M me Favreau lui avait fait remarquer une petite note collée dans la vitrine, demandant un vendeur. Élisabeth lui sourit, affichant une espèce d’air de résignation.
    – Lorsque Florence m’a accompagnée, nous sommes restées ici presque deux heures. Florence était éblouie comme Alice au pays des merveilles... Elle a regardé presque tous les disques en me demandant de lui chantonner les airs de ceux que je connaissais. Heureusement, ou

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