Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
et vous?
    Elle pinça les lèvres pour ne pas rire, ouvrit son porte-monnaie et lui tendit une pièce de dix sous. Jan, se rappelant la couleur de ses doigts, la saisit de sa main gantée. Ne sentant rien, il l’échappa et lapièce roula sur le plancher avant de s’immobiliser. M me Favreau et lui ne bronchèrent pas, pour éviter d’attirer l’attention. Elle rouvrit son porte-monnaie et lui remit un vingt-cinq sous.
    – Je pense que c’est assez gros pour que tu ne l’échappes pas.
    Jan grimaça et ne quitta pas la pièce des yeux jusqu’à ce qu’il la dépose dans le plat d’étain au fond tapissé de feutre bordeaux amené d’une main tremblante jusqu’à lui. M me Favreau se leva pour aller communier et demanda à Jan s’il l’accompagnait.
    – Non, j’ai grignoté des sucres d’orge toute la nuit. Elle partit donc seule et Jan s’agenouilla, déposa sa tête sur ses mains comme le faisaient les communiants à leur retour de la balustrade et s’assoupit de nouveau. Il ne sentit pas M me Favreau reprendre sa place et ne vit pas Michelle rougir en le voyant.
    Jan était si fatigué qu’il ne remarqua pas la présence de M. Favreau dans l’épicerie. Il s’empressa de quitter M me Favreau et monta chez lui. Il s’écroula tout habillé sur le couvre-lit et dormit profondément, jusqu’à ce qu’Élisabeth l’avise qu’il était quatre heures de l’après-midi et qu’il devait se doucher parce que les Favreau les attendaient pour manger du rôti. Il se leva en bougonnant avant que son interminable promenade lui revienne en mémoire. Il ne pouvait plus se permettre d’autre insomnie sans que son travail commence à s’en ressentir. Depuis près de cinq mois, il se demandait si Michelle accepterait de l’accompagner au concert, ou au cinéma, ou aux variétés. Il était furieux contre lui-même d’être paralysé devant une décision aussi simple. Le jet de la douche couvrait les dialogues qu’il imaginait avec Michelle, se parlant à voix haute pourse donner du courage. En sortant de la salle de bains, il se heurta à Élisabeth, tout sourire.
    – Amène-la au concert de Noël à l’église Saint-Jean-Baptiste.
    Jan descendit à la course et entra dans l’épicerie, anxieux de voir son travail. Il se figea devant ce qu’avait fait M. Favreau. Tout était terminé. Jan sourit de plaisir en voyant la métamorphose du local. Il ne lui restait, pour cacher la disparité des matériaux des tablettes, qu’à clouer sur leurs tranches les tiges métalliques qu’il s’était procurées. Du bout du doigt, il toucha une tablette et constata que la peinture était encore collante. Il reporta cela au lendemain matin, lundi. Pendant qu’il terminait son inspection, il n’entendit pas descendre M. Favreau, qui fixa les yeux sur lui, attendant qu’il se retourne. Quand il le fit, il vit l’amusement dans les yeux de son patron.
    – Puis?
    – Je trouve ça bien parfait. Et vous?
    – Je pense que ça a fait du bien. M me Favreau est d’accord avec moi.
    Ils montèrent.
    – Je voulais quand même te dire que je n’ai pas envie d’avoir des lampes de patinoire. Le monde va rire de moi. Quand ce sera ton épicerie, tu feras ce que tu voudras. Pour l’instant, c’est mon épicerie et j’aimerais mieux qu’on se contente de visser de petits abat-jour de métal sur les douilles.
    Jan voulut répliquer, mais ne le fit pas. Il plissa le front, essayant de comprendre si M. Favreau venait de lui dire qu’il hériterait de l’épicerie. À la fois perplexe et excité, il passa à table et éclata de rire avecM me Favreau qui racontait qu’elle avait assisté à la messe avec un rêve. Sous le regard médusé d’Élisabeth, Jan s’empressa de lui rendre les trente-cinq cents qu’elle lui avait prêtés.

56
    Élisabeth marchait lentement aux côtés de son frère, jacassant comme une pie pour étourdir l’agitation qui l’avait happé. Depuis dix minutes, Jan faisait les cent pas devant les ascenseurs du neuvième étage de chez
Eaton
. Élisabeth essayait de le soutenir dans sa nervosité, ayant presque la certitude que Jan en était à son premier rendez-vous galant. S’il en avait eu à Saint-Adolphe ou à Saint-Norbert, il ne lui en avait jamais parlé. Elle était ravie qu’il se soit enfin décidé à inviter cette Michelle qu’elle n’avait pas encore rencontrée. À son grand amusement, il lui avait donné rendez-vous pour le lunch chez
Eaton
, prétendant avoir

Weitere Kostenlose Bücher