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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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une bonne cause.
    Ils discutèrent pendant quelques minutes, le temps de déterminer qu’elles pouvaient être à l’hôpital, si évidemment Florence était d’accord, vers deux heures.
    – Jusqu’à quelle heure?
    – Cinq, j’imagine.
    Boisvert eut l’air satisfait. Il lui promit de passer les prendre devant l’épicerie à deux heures moins le quart. Elle accepta et alla chercher son manteau.
    Élisabeth le regarda partir, plus déçue qu’excitée. Elle avait sincèrement pensé qu’il était venu pour le plaisir de la revoir et non pour lui demander un service. Elle décrocha le parapluie de la patère et l’ouvrit pour voir le coloris des fleurs.
    – Fais pas ça, Élisabeth. Ça porte malheur d’ouvrir un parapluie dans une maison.
    Élisabeth regarda sa collègue, ricana, puis fit tournoyer le parapluie avant de le refermer et de le suspendre de nouveau.
    – On va jouer à l’Hôtel-Dieu? Toi et moi?
    – Oui. Pour les malades.
    – Ça, c’est bien. Ceux qui sont très, très malades vont penser qu’ils sont morts et que notre musique, c’est celle des anges.
    – Voyons, Florence…
    Florence se rembrunit, se demandant si elle avait dit une stupidité. Élisabeth s’apprêtait à sortir son violon et Florence l’observait avec admiration.
    – Quand tu étais petite comme moi, tu jouais déjà?
    – Oh oui! J’ai commencé à quatre ans.
    – Tu aimais ça?
    – J’ai toujours aimé ça
    – Ton violon aussi?
    – Je pense, oui.
    – Le mien, il attend ça tous les jours. Il a l’impression d’être puni quand je le couche. Il voudrait jouer du matin au soir. Je suis certaine qu’il va être content de jouer à l’hôpital à Noël. Ça va lui faire une bonne journée. Le matin, il va jouer juste avec moi, le midi devant ma famille et l’après-midi avec les malades. Est-ce qu’ils peuvent chanter?
    – Peut-être.
    – Pas ceux qui meurent mais les autres.
    – Florence, on ne meurt pas toujours, dans les hôpitaux. Jan est allé et il est revenu. Il y a beaucoup de bébés qui naissent dans les hôpitaux.
    – Est-ce qu’on peut jouer pour les bébés?
    – Je n’en sais rien, Florence.
    Élisabeth mit fin à la discussion, sachant que Florence adorait les digressions qui lui permettaient de rester avec elle le plus longtemps possible. Elles travaillèrent pendant plus d’une heure, au grand plaisir de Michelle qui ne se lassait jamais d’entendre le violon, même s’il arrivait occasionnellement à Florence de rater une note. Rose de plaisir, Florence posa son instrument et alla à la cuisine demander à Michelle si elle avait eu l’impression d’entrer au ciel. Michelle lui répondit que non, et qu’elle avait préféré être sur la terre pour l’écouter. Florence eut l’air déçue.
    – C’est vrai qu’au ciel les anges jouent de la trompette et de la harpe. Ils ne connaissent pas le violon.

62
    Jan tenait Michelle par le bras, effrayé à la pensée qu’elle pourrait perdre pied et tomber, risquant de blesser ce ventre qui commençait à s’arrondir comme un globe terrestre porteur de toute l’humanité. Élisabeth marchait devant et Jan se désolait de la voir seule. Ils avaient reçu une carte de vœux d’Étienne qui leur disait se plaire à Ottawa et projeter de s’y établir et d’y fonder une famille.
    Les Favreau fermaient la marche et parlaient, Jan les entendit, du nombre de dindes vendues. Jan était complètement épuisé par les longues journées de travail qu’il avait abattues durant les deux dernières semaines. Il avait hâte d’entrer dans l’église et de s’y laisser bercer par l’orgue et les chœurs, espérant que les solistes seraient excellents comme ceux de l’année précédente. Michelle se mit à patiner et Jan la retint avec force, le cœur lui battant à tout rompre. Élisabeth avait offert à Michelle des crampons qu’elle avait fixés à ses couvre-chaussures, mais elle ne s’était pas encore habituée à ce nouveau corps toujours en déséquilibre. Ils arrivèrent enfin à l’église et se glissèrent tous les cinq sur le même banc.
    Les trois messes furent récitées devant une foule fébrile aux douze coups de minuit et somnolente à la messe de l’aurore. Élisabeth vit deux couples échangerdes bagues de fiançailles et elle détourna le regard, ayant, à son grand embarras, immédiatement pensé à Denis Boisvert. Elle regarda Jan sourire à Michelle et envia un peu leur joie évidente. Jan, elle en

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