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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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nez l’alcool à friction, l’urine et l’odeur âcre du sang. Elles n’en furent toutefois nullement incommodées, Florence suscitant tellement l’admiration que la plupart des personnes s’approchaient d’elle pour la caresser, l’embrasser et lui remettre de l’argent, «un petit cadeau de Noël». Tantôt on l’appelait «la petite poupée», tantôt «le petit ange». Certaines personnes, toutefois, semblant connaître davantage la musique, s’approchaient d’Élisabeth pour lui murmurer à l’oreille que Florence était un petit génie et qu’il lui fallait continuer à jouer comme elle le faisait.
    – Encore quelques années et elle dépassera son maître, mademoiselle.
    Élisabeth avait été honorée de se faire appeler «maître» et ravie de constater que le talent de son élève envoûtait les gens. Elle savait depuis le premier jour que Florence était phénoménale et qu’il ne lui faudrait pas plus de dix ans avant qu’elle ne la surpasse.
    Denis Boisvert les avait accompagnées partout, ayant d’abord avisé les infirmières des étages de leur venue. Les gens formant l’assistance avaient été invités dans les salons de chaque étage. Elles jouèrent jusqu’à dix-sept heures trente et Élisabeth eut du mal à arrêter Florence, qui ne connaissait jamais la fatigue quand elle tenait son archet. Sa résistance et sa concentration étaient incroyables pour une enfant aussi jeune. Si Élisabeth en était musicalement renversée, Boisvert, lui, ne tarissait pas d’éloges à accent médical.
    – C’est exceptionnel pour son âge.
    – Je sais.
    – Pensez-vous que c’est en partie grâce à vous? Élisabeth aurait voulu dire la vérité. Avouer que Florence avait fait deux ans de violon avant de la connaître et que ses professeurs n’avaient rien compris à sa façon d’apprendre. Qu’elle-même avait utilisé une méthode mise au point par sa mère et perfectionnée par elle, et que cette approche avait fait des miracles.
    – Je pense qu’il n’y avait qu’une chose à comprendre. Florence n’a pas de violon. Elle a un ami qui a joué avec son père et avec sa grand-mère, qui dort dans son étui, qui a peur du noir et de la mort, et qui aime bien jouer avec elle aussi. Ah oui! j’oubliais: il n’aime pas se faire interrompre et il est doux comme un lapin.
    Boisvert l’écoutait parler avec ravissement, et Élisabeth ne savait jamais si elle le préférait quandil lui regardait les yeux jusqu’au fond des pupilles ou lorsqu’il semblait vouloir lui mordre la bouche.
    Dans l’ascenseur, Florence ne cessa de papoter, enchantée de son expérience.
    – Ce que je n’ai pas compris, c’est que tu m’as dit que le monde ne mourait pas toujours, dans un hôpital.
    – C’est vrai.
    – Moi, je les trouvais presque morts, parce qu’ils m’appelaient «petit ange». Ils sont mêlés, parce que tout le monde sait que les vrais anges ne jouent pas de violon.
    Lorsqu’ils sortirent de l’hôpital, ils furent accueillis par une chute de neige folichonne qui ravit Florence. Ils se précipitèrent dans la Buick de Boisvert.
    – Une chance que mon violon est bien habillé, parce qu’il aurait pu être surpris et avoir pas mal froid.
    Depuis le début de l’hiver, Florence enroulait toujours un foulard sur le manche de l’étui. Un foulard qu’elle avait mis un an à faire en enroulant de la laine sur quatre clous plantés sur une bobine de fil. Sa grand-mère avait fini le travail en assemblant les cylindres multicolores et en enjolivant le tout de deux franges rouges. Élisabeth jeta un coup d’œil à Denis Boisvert qui secouait la tête de fascination devant Florence. Elle le regarda en fronçant les sourcils puis elle lui fit un sourire. Il semblait tout prêt à aimer Florence autant qu’elle.
    Denis s’arrêta devant la maison de la rue Mentana et laissa tourner le moteur pendant qu’Élisabeth conduisit son élève. Il la regarda parler avec la grand-mère, embrasser Florence et revenir en riant vers l’automobile,dont il ouvrit la portière dès qu’elle en fut assez rapprochée.
    – Je rentre chez moi ou je monte?
    – Tu montes et je te fais une proposition.
    Elle fut ravie qu’il l’ait tutoyée et elle décida d’en faire autant. Il lui proposa de la ramener à l’hôpital, où elle pourrait lui tenir compagnie dans la salle de garde.
    – Je sais que ce n’est pas romantique, mais c’est mon devoir. Les gens ont toujours besoin de moi le

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