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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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soir de Noël. Depuis que j’ai été reçu, j’ai toujours travaillé ce soir-là. Et j’ai travaillé hier. Et je travaillerai le soir de la Saint-Sylvestre.
    – Et au jour de l’An?
    – Je soupe chez ma mère.
    Élisabeth ne réfléchit que quelques instants et retourna avec lui. Quand ils entrèrent dans l’hôpital, elle comprit qu’il prenait de grands risques à la manière dont il évitait les religieuses. Ils arrivèrent finalement à un long couloir bordé de portes.
    – Ce sont les chambres des résidents.
    – Des chambres?
    Elle eut soudainement peur de s’y trouver avec lui, ayant cru qu’ils se dirigeaient vers une grande salle remplie de médecins et d’infirmières généreux pour qui le soin des malades était vraiment une raison d’être. Denis vit son malaise, lui prit doucement la main et lui dit qu’elle pouvait avoir confiance.
    – Je ne suis pas un vieux satyre qui attaque les déesses de la musique, Élisabeth.
    Élisabeth le suivit donc dans une toute petite chambre presque monacale, dotée d’un lit, d’une chaise de bois et d’une commode, le tout à peine éclairé parune fenêtre sale. Elle vit un crucifix au mur et fut rassurée. Rien de malheureux ne pouvait lui arriver. Pendant plus de deux heures, ils se racontèrent des souvenirs de Noël. Ceux d’Élisabeth étaient exotiques et touchants, ayant eu pour cadre l’enchantement des soirées familiales ou les jours troubles de la guerre, puis pour décor la cathédrale de Saint-Boniface ou la campagne de Saint-Norbert. Denis, lui, raconta sa solitude d’enfant unique, les crèches couvertes de ouate ou de bran de scie selon le goût des professeurs, les sapins sous lesquels il n’y avait d’autres cadeaux que les siens, celui que son père remettait à sa mère et celui que sa mère offrait à son père. Ses plus beaux présents avaient été un train électrique qu’il conservait encore et, beaucoup plus tard, un jeu de chimie qui lui avait donné le goût de la science.
    – C’est ce jeu qui a fait un médecin de moi.
    – Tu penses?
    – J’en suis certain.
    Denis dut s’absenter vers vingt et une heures pour ne revenir qu’à vingt-deux heures trente, et une deuxième fois à vingt-trois heures. Élisabeth éteignit le plafonnier et la lampe de lecture et se planta devant la fenêtre pour regarder tomber la neige dans la rue Saint-Urbain. Les flocons s’affolaient comme des papillons de nuit autour des lampadaires. Elle était incapable de penser à autre chose qu’aux propos de Denis. Malgré la tristesse de ses souvenirs, elle avait la conviction d’avoir plus que lui. Elle avait deux frères pour lesquels elle était prête à sacrifier sa vie. Elle occulta Adam dans ses pensées, comme elle avait omis de parler de lui à Denis. Elle ferma les yeux et imagina ce dernier penché sur un malade, avec son sarrau blanc froissé et son stéthoscopedans sa poche de poitrine, ou occupé à percevoir une pulsation. Puis elle bâilla et hésita avant de s’étendre sur le lit. Aussitôt couchée, elle s’endormit et se fit réveiller par un chuchotement qui lui disait que le soleil se lèverait dans moins d’une heure et qu’il devait aller la reconduire. Élisabeth s’empressa de regarder sa montre. Elle aurait voulu être énervée, ou confuse, ou honteuse, mais elle ne ressentait que du plaisir. Elle s’assit sur le bord du lit, se frotta la figure pour lui redonner de la couleur, fit mine de se coiffer et se releva sous le regard admiratif de Denis.
    Ils roulèrent en silence, chacun savourant les confidences de l’autre. Ils arrivaient près de la rue Gilford lorsque Élisabeth lui demanda d’arrêter pour qu’elle descende. Denis obtempéra sans poser de question.
    – Élisabeth…
    – Oui…
    – Je viens de vivre le plus beau Noël de ma vie.
    Elle ne sut que répondre, trop émue et trop intimidée pour dire qu’elle-même était enchantée du sien. Elle pinça les lèvres et ouvrit la portière. Il la retint par le bras, lui demandant si elle croyait être malade le mercredi suivant et avoir besoin de passer à son bureau privé. Elle répondit que déjà elle avait un petit chat qui lui égratignait la gorge et qu’il était bien possible qu’elle ait des problèmes.
    – Pas avant huit heures. À cause de Florence.
    Il sembla un peu déçu, mais acquiesça de la tête. Élisabeth marcha d’un pas léger dans la neige qui lui allait jusqu’aux chevilles. Elle ne cessait d’emplir

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