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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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dirigea vers la porte de la rue Sainte-Catherine.
    Toute à sa surprise de voir tomber la pluie violemment, Élisabeth traversa la rue et attendit le tramway numéro 15, tenant son sac au-dessus de sa tête en se demandant si elle ne devait pas rebrousser chemin pour s’acheter un parapluie. Deux automobiles passèrent un peu trop près du trottoir, éclaboussant les piétons qui protestèrent à l’unisson. Un des chauffeurs s’arrêta juste après avoir passé la rue Union, sortit de sa voiture et courut vers eux en appelant Élisabeth. Elle ne mit que quelques secondes à reconnaître le docteur Boisvert qui l’invitait à le suivre. Elle s’assura de ne pas l’avoir mal interprété, cherchant des yeux s’il y avait une autre personne qu’il aurait pu inviter, et, certaine qu’il s’agissait bien d’elle, se dirigea vers lui à pas rapprochés, s’inondant les chevilles et les mollets d’une eau froidede fin de septembre. Elle regarda ses chaussures et se désola de voir combien elles avaient perdu leur fraîcheur et songea qu’il lui en faudrait une nouvelle paire.
    – Je suis désolé. Je vous conduis chez vous?
    – Merci et il ne faut pas vous excuser. Je vais rentrer plus rapidement.
    Elle s’assit et il ferma la portière. Les essuie-glace avaient énormément de difficulté à lécher les vitres tant l’eau y arrivait en trombe. Le docteur Boisvert sourit à Élisabeth avant de démarrer et de se glisser entre deux automobiles chuintantes elles aussi. Il engagea la conversation, lui demandant si elle était allée faire quelques petits achats. Élisabeth vit qu’il était gêné de sa question après avoir remarqué qu’elle n’avait que son fourre-tout.
    – J’ai acheté des feuilles de musique. Elles sont dans mon sac.
    Il se tut quelques instants, s’arrêtant à un feu rouge. Élisabeth n’osa pas le regarder.
    – Il ne nous reste qu’un paiement, vous savez. Finalement, nous aurons mis un an à vous rembourser.
    – C’est un délai très raisonnable. Vous et votre mari travaillez toujours à l’épicerie de M. Favreau?
    – Ce n’est pas mon mari, docteur. C’est mon frère et il est marié.
    Élisabeth se demanda si elle avait imaginé le petit sourire qu’il avait esquissé. Ils tournèrent dans la rue Saint-Denis et roulèrent vers le nord.
    – Jan travaille toujours avec M. Favreau. Quant à moi, je n’ai travaillé là que l’été dernier. Je suis professeur de musique.
    Boisvert en fut étonné et Élisabeth crut voir qu’il avait l’air ravi.
    – Vraiment? C’est pour ça que vous êtes allée chez
Eaton?
    – Oui et non. Je suis professeur de musique et je suis aussi hôtesse à la salle à manger.
    Elle parla alors rapidement de la musique, de ses études à Cracovie et de son travail au Manitoba. Elle insista davantage sur la découverte de l’immense talent – elle n’osait pas dire «génie» – de Florence que sur elle-même.
    – Vous pourriez vivre comme professeur de musique?
    – C’est mon rêve. Troquer les menus contre des cahiers de musique. Quand j’aurai vingt étudiants, je pourrai. Pour l’instant, j e n’en ai que quatre.
    Boisvert ne parla plut se contentant de la regarder à la dérobée, ce qui la mit extrêmement mal à l’aise. Elle se demanda s’il avait compris qu’elle avait exagéré et le nombre de ses élèves – elle n’en avait toujours que deux – et ses ambitions – elle ne pourrait jamais en avoir plus de dix si elle travaillait chez
Eaton
.
    – Vous avez des enfants, docteur?
    – Non, et vous?
    – Non.
    Élisabeth ne cessait de tourner la courroie de son sac, trouvant soudainement très étouffante l’atmosphère de l’automobile. Elle eut l’impression que les glaces s’embuaient rapidement. À son grand soulagement, ils furent bientôt rendus à la rue Marie-Anne.
    – Est-ce que je peux vous laisser au coin de Gilford?
    – Pas de problème. C’est tout à côté.
    Durant les dernières minutes du trajet, il la regarda à quelques reprises avant d’oser lui demander s’il pouvaitl’inviter à un concert. Elle accepta, ignorant qu’il avait des billets pour le lendemain.
    – L’orchestre sera sous la direction de Wilfrid Pelletier.
    – Je l’ai déjà rencontré, une fois, dans une petite réception.
    – Vraiment?
    Élisabeth crut l’avoir impressionné. Elle n’ajouta donc pas qu’elle avait fait sa connaissance à une kermesse au profit des réfugiés de guerre à laquelle elle et

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