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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Voyons, il y a toujours eu des guerres de religion.
    – Mais il paraît que le pape Pie XII a lancé un appel pour qu’on épargne Rome.
    – On a sauvé Paris, pourquoi pas Rome? Rome est quand même plus importante.
    – Ça dépend du point de vue.
    –
Camarades! Notre chère patrie est en danger. La traître Allemagne n’a pas respecté ses accords et nous a attaqués. Des milliers de nos compatriotes et amis ont déjà perdu la vie. Puisque vous n’êtes pas dans notre valeureuse armée, vous devrez travailler encore plus fort. Chaque mètre cube de bois que vous arracherez à la forêt sera un pas vers la victoire contre le Reich. Je suis certain que vous comprenez nos demandes. Vive le camarade Staline! Vive l’Armée rouge!
    Jerzy et d’autres hommes du camp de travail, assis dans la pièce où on les avait convoqués, n’avaient pas réagi, essayant de comprendre la signification de ce qu’ils venaient d’apprendre. Finalement, un des jeunes ouvriers, embarqué dans la même rafle que Jerzy, s’était levé, avait craché avec dédain et s’était planté devant les autres.
    – Je suis bon catholique et bon chrétien, mais je peux bien prier dans mon cœur. J’aurais aimé que la Pologne investisse autant dans son armée que dans son Église. Je me porte volontaire pour combattre dans l’Armée rouge.
    – Tu dis des bêtises, Wladek.
    – Non, je ne dis pas de bêtises. Combien est-ce qu’il y en a ici qui ont enterré leur famille? Moi, oui. LesAllemands ont fauché mon petit garçon et mes deux petites filles. Leur mère aussi.
    Jerzy s’était levé et s’était approché de Wladek pour lui faire une accolade de compassion. Wladek l’avait repoussé et Jerzy était tombé sur les fesses.
    – Tu comprends, Saski, je veux les venger et je me fous de la langue et de la religion du commandement. Je me fous de ne manger que du bortsch. Je veux recevoir l’ordre de tuer des Allemands. Je serais satisfait même si je n’en descendais qu’un seul. Je veux en voir mourir un!
    Les hommes s’étaient regardés sans parler, pensant à ce que Wladek avait dit. Certains, pour marquer leur désaccord, s’étaient signés. D’autres avaient dit qu’ils y songeraient.
    Le travail avait repris le lendemain et ils avaient été contraints de commencer plus tôt, de finir plus tard, et de couper sur les rations de nourriture déjà frugales. La productivité du camp avait donc diminué malgré les harangues quotidiennes.
    Le mois d’août 1941 était arrivé et Jerzy s’était heurté au commandant du camp de travail, qui s’agitait comme un papillon de nuit autour d’une ampoule.
    – Saski! Va avertir tes camarades que le travail se terminera une heure plus tôt aujourd’hui. Dis-leur de se rendre à la grande salle. Un membre du haut commandement nous honore de sa présence. Grouille!
    –
Camarades! J’ai de très bonnes nouvelles pour vous. Nos gouvernements ont signé une entente d’amitié et d’assistance mutuelle. C’est ensemble que Polonais et Soviétiques affronteront ces Allemands qui menacent les libertés de nos patries. Notre premier devoir est de combattre cet envahisseur. Ceux d’entrevous qui le désirent pourront se joindre à l’armée polonaise, qui s’organise pour combattre le Reich. Les autres pourront demeurer avec nous ici. Leur travail sera évidemment vu comme une participation active à l’effort de guerre. J’espère que vous répondrez affirmativement à ma requête
.
    » Si toutefois vous choisissiez de quitter le camp, vous pourrez aller où vous voudrez en Russie et vous recevrez les papiers nécessaires pour vous déplacer. Citoyens de Pologne, ensemble nous devons vaincre les Allemands! Vive le camarade Lénine! Vive l’Armée rouge! Vive la Pologne!
    Jerzy se leva et alla marcher dans le camp avant que les cantiniers ne les appellent pour le souper. Il regarda le coucher de soleil, rassurant et réchauffant bien qu’on fût en février. Il se fit la réflexion que l’hiver italien n’avait rien d’un hiver polonais, encore moins d’un hiver russe. Les hivers étaient à l’image des peuples. Les hivers polonais étaient gris, froids et ombrageux; les hivers russes, bleus, glacials et mordants; les hivers italiens, ocre, tièdes et pleureurs. Jerzy se dirigea vers la cantine, reçut une portion scandaleuse. Il ne put s’empêcher de penser à ces gens que Wladek et lui avaient rencontrés en route pour le lieu de rassemblement.
    Wladek lui

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