Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
Il tira en direction du monastère pendant que Jerzy, qui l’avait rejoint avec beaucoup de difficulté, ne cessait de lui répéter de laisser tomber son arme.
    – Pas avant que j’aie vidé tout mon chargeur. J’en veux un, Pawulski, un.
    – Ce serait un meurtre, Wladek. Ils battent en retraite.
    Jerzy hurlait plus fort que Wladek pour le faire revenir à la raison. Il n’avait jamais pensé qu’un cri pouvait faire aussi mal. Le temps se mit à ralentir et Jerzy eut conscience que Wladek avait cessé de tirer. C’est en pensant «Enfin!» que Jerzy ferma les yeux et qu’il cessa d’entendre. Sur une image de sa famille, il éteignit ses pensées avant de s’endormir lourdement, la bouche en grimace, les yeux, derrière les paupières, tournés vers le haut de la colline.
    Il n’entendit jamais le clairon jouer jusqu’à la fin l’air de l’église Notre-Dame de Cracovie.

Deuxième temps
    1944-1945

18
    Le temps était glacial. Ce début de janvier n’avait apporté qu’un seul événement heureux dans la famille: les quatre ans d’Adam. La routine de guerre s’était douloureusement installée.
    Les vêtements s’élimaient, les provisions n’existaient qu’en souvenir, les cloches de Cracovie avaient depuis longtemps été arrachées à leurs clochers et fondues pour réapparaître métamorphosées en armement.
    – J’espère, Tomasz, qu’aucun morceau des cloches de Cracovie n’a touché à la chair de nos soldats polonais.
    Le ghetto de Cracovie avait été complètement vidé de tous ses Israélites depuis presque un an. Zofia n’en avait pas dormi pendant des nuits.
    – Nous avons la réputation d’être antisémites. C’est difficile maintenant de faire croire le contraire.
    – À qui veux-tu que nous le disions? À la France? Elle a, paraît-il, livré les juifs étrangers aux Allemands et forcé ses ressortissants à porter l’étoile jaune. À qui devons-nous nous expliquer? Je me le demande.
    Ce 10 janvier, donc, était glacial. Zofia était de plus en plus fatiguée, ayant toujours autant d’élèves et servant encore de plus généreuses portions de nourriture à son mari et à ses enfants qu’à elle-même. Depuis le matin, elle enseignait les mains gantées tant elle neréussissait pas à se réchauffer dans la maison pourtant loin d’être trop froide. Elle aurait voulu, ce matin-là, avoir de l’ouate dans les oreilles parce qu’il lui semblait que ses élèves ne cessaient de faire dissoner le piano.
    – Pianissimo, bon Dieu. Moins fort! Toute la maisonnée va penser que tu joues avec tes pieds. Cesse de piétiner les pédales, Seigneur!
    Élisabeth avait conduit Adam chez M me Grabska. Elle remonta à l’appartement en se remémorant le plaisir qu’ils avaient eu avec les jeunes Françaises qui avaient toujours travaillé dans la maison «avant»... Chaque année, une nouvelle jeune femme arrivait, valise et violon sous le bras. Tous les repas se prenaient en français et les soirées étaient toujours occupées à faire de la musique. Avant. Maintenant, ils se voyaient forcés d’avoir recours aux services de M me Grabska pour veiller sur Adam. Heureusement, elle était la plus gentille des concierges, même si elle ne parlait pas le français et ne savait pas jouer du violon.
    Élisabeth revint à la maison ayant elle-même une peur folle de recevoir sa leçon de violon. Sa mère, parfois, cessait d’être exceptionnelle et ressemblait à toutes les mères. Élisabeth s’était isolée dans sa chambre, mais la voix de sa mère parvenait quand même jusqu’à elle. Elle regarda l’heure et se dirigea vers le salon. L’élève qui quittait avait l’air complètement épuisée avec son teint livide et des gouttelettes de nervosité collées sur le front. Elle regarda Élisabeth, heureuse de la voir apparaître.
    – Qu’est-ce qu’elle a, ta mère? Elle m’a fait peur tout le long du cours.
    – Ça lui arrive. Moi, je trouve que tu as bien joué. Peut-être avec trop d’insistance sur la pédale, mais bien joué.
    Elle raccompagnait la jeune fille lorsqu’on frappa à la porte avec fermeté. La première pensée d’Élisabeth fut que M me Grabska était probablement sortie avec Adam sinon elle les aurait avisées par ses coups dans le plafond. La seconde fut qu’on venait certainement leur annoncer la mort de Jerzy. Seule la mort pouvait frapper aussi fort. Remplie d’appréhension, elle entrouvrit et se figea sur place. Deux Allemands, dont

Weitere Kostenlose Bücher