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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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alléger l’atmosphère de la maison. Nous avons trois enfants qui y vivent ce qui est censé être les belles années de leur vie. Tu te rends compte? On vient de leur expédier le pire, ou presque.
    Jan et Élisabeth entrèrent et Tomasz vit les cernes d’insomnie sous les yeux de sa fille. Il lui tapota ledos au niveau des reins pour la réconforter. Jan, lui, voyant sa sœur au bord de la crise, claqua les talons et s’approcha de sa mère.
    – Je
f
ous demanderais de toujours a
f
oir des croissants français et de la marmelade anglaise. Je
f
oudrais aussi du saucisson allemand, le saucisson polonais étant trop gros et trop gras, beaucoup trop gras. Nous, les Allemands, nous faisons très attention à notre foie.
    – À votre voix? demanda-t-il en changeant de timbre.
    – Non, à notre foie.
    – Ah!
    Malgré l’horreur de l’amusante saynète, toute la famille ricana, mue par la nervosité, certes, mais aussi par la joie de constater que la vie continuait même si tous avaient l’impression qu’un garde-chiourme les surveillait maintenant en permanence. Tomasz essuya ses lunettes qu’il avait embuées.
    – Tu as autant de talent que ton frère. Vous souvenez-vous de ce poème qu’il nous avait récité en imitant ses confrères?
    » Que t’importe après tout que cet ordre barbare
    » T’enchaîne loin des bords qui furent ton berceau?
    – Attends, attends, je m’en souviens...
    Jan frétillait, le cerveau en ébullition.
    – Oui, ça me revient...
    » Que t’importe... en quels endroits...
non...
lieux le destin te prépare
    » Un glorieux tombeau?
    Jan voulut se taper la cuisse et éclater de rire mais il s’étrangla aussitôt en voyant que l’officier allemandavait ouvert la porte à l’instant même où il disait «tombeau» d’une voix apeurante.
    Tomasz pâlit et se leva, le regard suspendu aux cils de l’Allemand qui tiqua légèrement en le voyant. Ce fut à son tour de s’accrocher aux lunettes de Tomasz. Le face à face dura une éternité. L’officier détourna le regard le premier, et s’approcha de Zofia à qui il demanda de goûter à ce qu’elle lui avait préparé. Elle le fit sans le quitter des yeux, comprenant qu’il avait peur qu’elle ne l’empoisonne. Il lui demanda ensuite de porter son plateau dans sa chambre. Il la suivit et s’installa à la coiffeuse.
    – Je mangerai toujours dans cette pièce,
Frau
. Et vous goûterez à tous mes plats. Ce soir, je ne rentrerai pas pour le souper.
    Zofia revint dans la cuisine et vit que Tomasz avait toujours son regard incrédule. Jan fut le premier à se ressaisir.
    – Tu le connais, papa?
    – Je l’ai déjà rencontré.
    Il se tourna vers sa femme.
    – Zofia, c’est l’officier qui est venu faire une colère dans mon cagibi. C’est une homme violent, j’en suis certain. Mais il se contrôle, il se contrôle.
    – Il est important?
    – Je crois, oui. Je me demande comment il se fait qu’il soit ici.
    Tomasz espérait que son ton fût rassurant. S’il avait fallu que Zofia et les enfants comprennent qu’ils étaient espionnés – il en était certain –, ils en auraient fait une maladie. Il lui fallait absolument trouver des solutions rapides pour protéger ceux qu’il aimait, sa famille, sescollègues et ses étudiants. Il s’interrogeait et tentait de rassembler ses pensées à une vitesse affolante.
    – Élisabeth, sans prendre de risques, peux-tu aller porter mon violoncelle chez M me Grabska? Mais laisse l’étui ici.
    – Quoi?
    – Il y a deux sentinelles et deux gardes du corps qui nous surveilleront. Je vais leur remettre mon étui rempli de papiers que je dois absolument faire parvenir aux étudiants.
    Tomasz tenta une dernière fois de montrer que tout allait bien dans cette maison qui venait discrètement de se changer en prison.
    – À quelle heure, le violon?
    – Sept heures et demie?
    – Parfait.
    Confiant son violoncelle à Élisabeth, Tomasz prit l’étui et passa dans son bureau. Il le remplit de livres et de notes de cours et descendit l’escalier d’un pas alourdi. Zofia le regarda partir et se précipita à la fenêtre. Elle le vit marcher dans la rue Nicolas et entrer par une porte cochère pour en ressortir délesté. Un homme tenant un étui de violoncelle en sortit quelques minutes plus tard. Elle se retourna en souriant.
    – Ils ont réussi l’échange.
    Surtout, continuer la routine comme si rien n’avait changé. Elle demanda à Élisabeth de laver Adam, qui

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