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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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m’effraie, Zofia, et ce serait presque de la trahison.
    Tomasz l’entendit et sentit une sourde colère lui naître dans la poitrine, tout près du cœur.
    – Monsieur Jacek, malgré tout le respect et l’amitié que j’ai pour vous, je vous interdis de penser comme vous le faites.
    La voix qu’il devait étouffer lui sortait de la bouche en cascades grondantes.
    – Nous n’avons rien choisi, monsieur Porowski. Nous subissons, comme les autres, et nous n’avons pas cessé nos activités, si vous comprenez ce que je veux dire. Si vous comprenez ce que je veux dire.
    Il appuya sur chacun des mots qu’il répétait, les scandant un à un comme s’ils pouvaient disperser la méfiance qui venait de s’infiltrer dans tous les cœurs. Porowski cilla à chaque mot, comme si Tomasz l’avait giflé. Jan buvait avec admiration les paroles de son père pendant qu’Élisabeth se tenait près de Zofia, prête à la soutenir si elle devait défaillir, ce qui ne lui ressemblait guère. Sa mère idolâtrait son maître de musique.
    – Je dis quand même qu’à mon âge il y a des choses qu’on ne peut plus faire. Il y a surtout des choses qu’on ne peut plus apprendre.
    – Vous devriez nous plaindre au lieu de nous...
    Tomasz s’interrompit. Le souffle clair d’une flûte venait d’entrer dans la maison. L’effet de surprise estompé, Tomasz enleva ses lunettes pour mieux écouter alors que Porowski se laissa tomber sur un des fauteuils du salon. Élisabeth partit à la suite d’Adam qui se dirigeait vers la porte de Schneider tandis que Jan prit le bras de sa mère et y exerça une légère pression de tendresse. Ils écoutèrent le solo pendant près d’une demi-heure que même Adam ne meubla pas de sa voix aigrelette. La flûte se tut.
    Porowski regardait la porte de la chambre de Schneider espérant secrètement qu’elle s’ouvre afin qu’il puisse mieux examiner le Prussien au souffle génial. Son attente ne fut pas vaine. Elle s’ouvrit et Schneider, ayant abandonné son uniforme, en sortit. Il les salua de la tête et regarda Zofia.
    – Je suis un peu rouillé, mais si vous me faisiez l’honneur de m’accepter, j’aimerais me joindre à vous. Je sais qu’il n’est pas logique qu’une flûte joue avec votre ensemble mais, à part quelques notes et en adaptant un peu, je pourrais facilement suivre les partitions du violon.
    Porowski marmonna qu’il n’était pas logique non plus que des Polonais acceptent de jouer avec lui.
    – S’il vous plaît.
    Personne, chez les Pawulscy, ne répondit. Ils prirent tous leur place et M. Porowski, tête basse, sortit finalement l’alto de Jerzy.
    – Si ma présence vous indispose,
Meister
Porowski, je peux reporter mon initiative à un autre jour.
    Zofia se contenta d’indiquer une chaise à Schneider. Adam s’installa près de son père et, la menotte sur la main de ce dernier, il se laissa bercer par les mouvements de l’archet qui commença ses caresses aussitôt que Zofia eut fini de donner la mesure. Porowski joua comme il l’avait toujours fait, avec une émotion à fleur d’archet. Mais, ce soir-là, il lui arriva de sauter quelques mesures pour entendre gémir une flûte qui inventait des notes toutes plus déchirantes les unes que les autres.
    La soirée musicale terminée, Porowski accepta de dormir à Cracovie, le couvre-feu lui interdisant de sortir. Zofia voulut l’installer dans la chambre de Jan mais Porowski refusa.
    – Non, Zofia. Je préfère m’étendre sur un des divans du salon. Avec un peu de chance, les murs vont encore vibrer d’émotion et je pourrai entendre l’écho de notre belle soirée. Demain, je veux parler à Élisabeth. J’aurais aimé dire à... l’Allemand qu’il joue admirablement bien, mais j’en suis incapable. Fais-lui le message. Et précise que c’est en toute sincérité que je le lui dis. Demande-lui s’il accepterait que je me joigne à vous plus fréquemment ou que je me contente de vous écouter. Maintenant que le potager commence à être généreux, je vais venir plus souvent.
    – Je suis heureuse de vous l’entendre dire, monsieur Jacek.
    Zofia lui installa un lit de fortune et lui souhaita de bien dormir. Elle alla rejoindre Tomasz qu’elle trouva agenouillé à côté du lit.
    – Depuis quand est-ce que tu pries à genoux, Tomasz?
    – Je ne prie pas, Zofia. Je suis troublé, oscillant entre l’extase et le désespoir. Je cherche le souffle qui m’aidera à travailler pour les

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