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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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faisons quoi les autres soirs?
    – Je ne sais pas. Il va falloir que j’y réfléchisse mais papa aura probablement une bonne idée.
    L’officier revint près de deux heures après son départ, portant trois valises. Zofia et les enfants avaient mangé et Adam avait accepté d’aller dormir tandis que Jan et Élisabeth, après avoir frotté leurs archets sur le peu d’arcanson qui leur restait, s’étaient installés au salon pour s’exercer en attendant que leur mère les rejoigne. L’officier entra dans sa chambre et ils ne le revirent que quelques minutes lorsqu’il vint s’asseoir pour les entendre jouer. Aussitôt qu’ils eurent posé leurs instruments, il s’approcha de Zofia et lui tendit des tickets de rationnement.
    – J’aime bien manger.
    Zofia fut absolument furieuse contre elle-même de s’entendre le remercier avec une réelle reconnaissance. Comment pouvait-elle dire de tels mots alors qu’elle était morte d’inquiétude pour Tomasz? Pour se donner une contenance, elle retourna s’asseoir au piano. Elle avait le cœur à la musique comme un sourd-muet aurait eu envie de chanter mais elle se plia à la discipline musicale pour ne pas pleurer. Les tickets brûlaient sa poche.
    Les mains de Zofia dansaient mécaniquement sur le clavier pendant que son cœur suivait le cortège funèbre de ses pensées. Il n’était pas normal que Tomasz ne fût pas encore rentré. Elle avait d’abord eu un léger agacement, puis un inconfort certain. Après plusieurs minutes passées à scander son malaise, elle avait fini par être effrayée du pressentiment qui persistait. Les Allemands avaient-ils encore enlevé son mari? Elle ne pouvait s’empêcher de comprendre que c’était pour cette raison que cet officier trop poli était installéchez eux. Il était là pour les espionner, elle en avait maintenant la certitude. Schneider, elle en frissonna, l’écoutait certainement derrière la porte de sa chambre. Tantôt, il n’était pas venu s’asseoir pour les entendre mais bien pour lui remettre des tickets. La charité. Il leur avait fait la charité. Zofia finit sa pièce et posa ses mains sur ses cuisses.
    – Il pleurait, maman, je te le jure.
    – Quand?
    – Quand on a joué.
    – Vraiment? Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse, un amateur de musique à l’œil humide, quand je veux savoir où est ton père? Il devrait être là.
    Zofia avait la voix brisée par l’inquiétude. Jan se sentit obligé d’intervenir.
    – Je pense que nous devons agir comme si tout était normal. Je vais dans ma chambre, et toi, Élisabeth, fais la même chose.
    Vingt-deux heures avaient sonné et résonné dans la maison quand Zofia entendit Tomasz ouvrir la porte d’entrée. Elle se pressa à sa rencontre et lui fit signe de se taire, ayant remarqué qu’aucune lumière ne se glissait sous la porte de leur «occupant».
    Ils passèrent à la cuisine et fermèrent la porte mais n’en chuchotèrent pas moins.
    – Veux-tu me dire où tu étais? Si tu savais ce qui se passe ici!
    – Je sais. J’ai observé la maison longtemps. J’ai vu l’automobile, puis un jeune soldat descendre et fumer une cigarette. Quelle horreur, Zofia! Qu’allons-nous faire?
    – Maintenant que tu es rentré, la seule chose à laquelle je pense, c’est que nous devons dormir. Tout cela m’a épuisée.
    Tomasz, que la fin de leur sécurisante intimité avait secoué plus qu’il ne voulut l’admettre, s’endormit en serrant Zofia dans ses bras comme s’il n’y aurait plus jamais de lendemains mais que des jours d’hui.
    Tomasz s’éveilla à l’aube et se vêtit à la hâte. Il entendit qu’on actionnait la chasse des W.-C. de sa chambre et secoua la tête pour s’empêcher d’imaginer l’homme qui s’était éveillé sous son toit. Il entra dans la seconde salle de bains, fit une toilette rapide et pénétra dans la cuisine où Zofia s’affairait à préparer le petit déjeuner de l’«occupant».
    – Tu ne vas quand même pas le bichonner?
    – Je ne veux pas m’en faire un ami, Tomasz. Mais je ne veux pas m’en faire un ennemi.
    –
C’est
un ennemi.
    – Quand l’ennemi tousse à côté de toi et qu’il pleure en écoutant la musique, il a un visage. C’est ça mon problème. J’aurais sincèrement préféré qu’il soit masqué.
    – Les Allemands ne se font pas autant de scrupules avec nos figures, crois-moi. Je les vois tous les jours et je les ai vus au camp.
    – Je préfère quand même

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