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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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papiers?
    – Je ne pense pas que les Russes demanderont les papiers d’un Anglais. Nous sommes alliés… Enfin, je suis prêt à prendre le risque. Tout le monde connaît l’efficacité des bureaucrates… Quant à celle des Russes, je suis prêt à en faire l’expérience s’il le faut.
    Ils demeurèrent silencieux pendant près d’une demi-heure, Pamela ayant un regard fuyant et trouble, Jerzy une poitrine tout prête à éclater. Elle avala une dernière gorgée de thé et se leva. Ils sortirent du pub et marchèrent jusqu’à ce qu’ils atteignent une petite rue presque épargnée par les bombardements. Jerzy étaitgêné de regarder la maison vers laquelle Pamela s’était dirigée, ayant l’impression de la dépouiller de son intimité. Il jeta un regard furtif vers les bow-windows, la brique rouge et les corniches. Il aperçut le numéro «14» et décréta que c’était certainement un chiffre porte-bonheur. Pamela habitait un sous-sol où ne pénétrait la lumière du soleil que l’après-midi. Il la suivit dans l’unique pièce de la maison et resta debout, ne sachant pas si elle l’avait invité à s’asseoir. Elle ouvrit l’armoire et en sortit un uniforme presque neuf.
    – Il va certainement vous faire. Vous êtes tous les deux de la même taille ou presque.
    Jerzy passa dans la salle de bains et se dévêtit pour endosser l’uniforme. Il sortit et se retrouva devant Pamela qui le regardait d’une façon trouble. Il ne bougea pas, pantois et mal à l’aise. Elle se leva et se dirigea vers lui, le serra dans ses bras avant de l’entraîner dans le lit. Jerzy tenta faiblement de résister, ne sachant où, dans ses croyances, il était écrit qu’on pouvait aimer une femme encore mariée mais presque veuve. Il n’attendit aucune réponse et se laissa emporter par la tornade rousse de Pamela.

27
    – Devant la lune et les étoiles filantes, devant Dieu, devant papa, maman et Adam dont les âmes nous ont accompagnés tous les jours, je vous prononce mari et femme.
    Jan fit un signe de croix pour bénir Élisabeth et Marek. Élisabeth, mariée couverte de haillons, sanglota de bonheur pendant que Marek, une épaule émergeant par l’échancrure d’un vieux lainage, lui enfilait un jonc de bois. Il la prit ensuite dans ses bras avant de lui enlever tout doucement la couronne de fleurs des champs qu’elle avait patiemment tressée et posée sur sa chevelure terne et teigneuse. Elle avait utilisé en guise de rubans de longues feuilles fines et vertes. Marek déposa la coiffe sur l’eau d’un tout petit ruisseau qui harmonisa son roucoulement avec le leur. Jan se pencha pour prendre son violon et leur ordonna de s’asseoir. Élisabeth se demanda pourquoi, tout à coup, il prenait le risque de jouer, mais ne discuta pas. Elle cessa de craindre quand elle le vit jouer en silence, les doigts placés sur le manche mais l’archet demeurant dans l’étui. Elle se leva et alla chercher le violon de sa mère, puis se plaça aux côtés de son frère et observa son doigté. Elle reconnut la pièce, sourit et commença à déplacer ses doigts aussi, mimant le mouvement de l’archet. Après quelques minutes de ce jeu qui hypnotisaitcomplètement Marek, ils chantonnèrent les airs qu’ils attaquaient. Jan demanda ensuite à sa sœur de poser son instrument et joua une varsovienne. Élisabeth se releva pour virevolter en chantonnant devant son mari. Jan s’éloigna discrètement des nouveaux mariés.
    Ce mariage leur avait causé à tous les trois des heures et des heures de discussions. Pouvaient-ils se marier devant Dieu en attendant de rencontrer un prêtre? Jan avait finalement décrété que oui.
    – Si un père ou une mère peut baptiser un nouveau-né en danger et qu’un soldat peut prononcer le Requiem, je pense qu’un frère peut bénir le mariage de sa sœur, lui servant à la fois de père, de prêtre et de témoin.
    Jan les avait regardés malicieusement avant de déclarer que ce choix, si boiteux fût-il, était probablement préférable à tout autre choix, n’en déplaise à Dieu. Il n’avait osé avouer qu’il aurait été mal à l’aise de voir sa sœur dans les bras d’un homme qui n’aurait pas été son mari.
    Ce raisonnement avait vaincu toutes les résistances. Ils s’épousèrent le jour de la Saint-Jean-Baptiste, fête du saint patron de Jan et fête du feu. C’est par cette nuit ravissante qu’ils avaient échangé leurs promesses.
    Exceptionnellement,

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