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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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ils se permirent une nuit de repos. Marek invita Élisabeth à se rendre sur la couche d’herbes et de feuillage qu’il avait préparée et elle le suivit. Elle se recroquevilla dans les bras de son mari et chantonna dans son oreille, rythmant sa symphonie sur celle des grillons, des crapauds et des chauves-souris. En s’assoupissant, Élisabeth regretta simplement de ne pas voir de champs recouverts de
babielato
, cette immense dentelle dont les araignées, Pénélopes nocturnes, recouvraient les champs de Pologne enautomne. Elle aurait compris que son mariage était béni de tous, la nature lui ayant offert un immense voile blanc en guise de cadeau.
    Jan fut le dernier à faire le guet. La journée avait été des plus accablantes et il avait hâte que la nuit vienne enfin les rafraîchir. Au moment où le soleil allait se coucher et qu’il pensait qu’il était temps qu’Élisabeth et Marek s’éveillent, il aperçut quatre silhouettes d’hommes marcher dans sa direction, d’un pas lent et vacillant. L’un des hommes tomba et ne se releva jamais. Jan demeura tapi derrière des buissons, la corde de violoncelle bien en main. Il retenait sa respiration lorsqu’il entendit haleter juste derrière lui. Il se plaqua au sol, espérant qu’Élisabeth et Marek n’étaient pas en pleins ébats amoureux. Six bottes percées passèrent à un mètre de son nez qu’il s’empressa d’enfouir dans les herbages. Il releva doucement la tête et remarqua que les uniformes étaient râpés. La pénombre ne l’empêcha pas de reconnaître des uniformes allemands – ils avaient dû être identiques à celui que le chien avait donné à Adam – dont il ne restait que des guenilles. Deux des soldats décidèrent de se reposer, au grand désespoir de Jan qui ne trouvait aucun moyen d’avertir ou de protéger sa sœur et son beau-frère. Il ferma les yeux pour essayer de faire taire sa frayeur. Il serait incapable de venir à bout de deux soldats, même défaillants, encore moins de trois si l’éclaireur revenait sur ses pas.
    Il resta là à essayer de les entendre mais les quelques bribes qui lui parvenaient étaient inintelligibles, le reste étant étouffé soit par la distance, soit par la faiblesse des deux hommes qui n’avaient peut-être plus la forcede parler. Jan commença à s’interroger sérieusement sur l’état de l’armée allemande. Quelque chose dans leur attitude l’intriguait. Il tenta de relever la tête mais la sentinelle pressa une semelle trouée contre sa nuque. Il tenta de bondir sur ses pieds afin de montrer qu’il n’était pas armé – il avait laissé tomber sa corde – mais l’Allemand l’en empêcha, invitant ses camarades à le rejoindre et ordonnant sèchement à Jan de se relever. Il le fit en priant à vive allure pour qu’on ne l’abatte pas et fut rapidement fouillé. Les Allemands sortirent les trois autres cordes de violoncelle de ses poches et lui demandèrent des explications. Jan répondit, à leur satisfaction. Puis le plus maigre des trois, celui qui avait un visage crasseux et creusé, lui demanda s’il avait de la nourriture. Jan en fut décontenancé.
    – Oui, nous en avons. En voulez-vous?
    Élisabeth et Marek venaient de sortir de leur cachette. Élisabeth tendait la main dans laquelle il y avait les restes d’un lièvre trop cuit et elle avait parlé avec une assurance qui étonna et Jan et Marek.
    – Pourquoi n’avez-vous qu’un seul fusil?
    Jan comprit ce qui l’avait intrigué. Élisabeth était extraordinaire: elle avait remarqué qu’ils n’étaient pas armés. Tout en arrachant l’un après l’autre les lambeaux de chair roussie accrochés aux os, les Allemands expliquèrent succinctement leur présence. Jan, Élisabeth et Marek apprirent que l’armée allemande avait été battue, que Hitler s’était suicidé deux jours après la mort de Mussolini et que depuis ce temps plus personne n’avait repris le commandement. Ils avaient été écrasés de partout. Des traités de paix auraient été signés pour l’Europe. Seuls les Américains étaient encore en guerre avec le Japon. Quant à eux, ilsn’avaient qu’une envie: rentrer à la maison, prendre un bain, manger à en dégobiller et baiser. Cette dernière phrase fit sourire Élisabeth. Aucun de ces trois soldats n’avait plus de vingt ans. Les seules femmes qui devaient les attendre étaient certainement leurs mères.
    Pendant que Jan récupérait la corde du
do
, les trois

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