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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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du solide. Maintenant qu’il savait qu’il rentrerait sous peu, il ne craignait plus de chagriner ses parents par sa décision. Il ne voulait plus revenir sur ses réflexions de grabat, préférant nettement penser qu’il pourrait peut-être arriver pour faire quelques semis, tardifs certes, mais quelques semis tout de même.
    Ce soir-là, il choisit minutieusement son répertoire, ne voulant pas risquer de perdre l’attention de Pamela. Le soleil était couché et personne ne remarqua la nuit se charbonner de nuages qui éclatèrent sur le coup de vingt-trois heures. Le tonnerre y alla d’un duo. Quelques vétérans chez qui la paix récente n’avait pas réussi à effacer les réminiscences d’horreur confondirent leurs souvenirs, les grondements et les éclairs et commencèrent à hurler. Jerzy cessa de jouer et vit Pamela accourir près de ceux chez qui la fête venait de mourir dans un cri de désespoir. Il déposa son violon, empoigna ses béquilles et trotta vers Pamela pour lui prêter main-forte. Il lui fit comprendre qu’il s’occuperait d’un patient plus agité que les autres.
    – Je le connais. Il était au mont Cassin. Nous avons été blessés en même temps.
    Minuit avait déjà sonné lorsqu’il regagna sa chambre. Pamela, qui aurait dû être partie depuis longtemps, rôdait encore dans les parages. Jerzy sourit. Elle n’aurait jamais pu gagner un championnat de discrétion. Elle était si extraordinaire qu’elle n’avait jamais montré de préférence devant les autres patients, mais elle et lui s’amusaient depuis des mois à parler le langage du cœur, ponctué de quelques légers frôlements mais surtout de regards remplis de mots qui ne demandaient qu’à prendre une autre voie que celle des yeux.
    – Pamela, est-ce que je pourrais vous parler?
    Elle regarda sa montre, soupira pour la forme et lui demanda de la suivre dans le petit réduit qui servait de cuisine aux infirmières. Jerzy volait au-dessus de ses béquilles. Elle lui servit un thé, sans dire un seul mot, et s’assit devant lui. Il était tellement nerveux qu’il neremarqua pas qu’elle avait l’air lasse, pas plus qu’il ne lut un certain chagrin imprimé sur son front. Il prit une profonde inspiration et lui parla de son rêve de l’épouser et de l’emmener à Cracovie d’abord, puis à Wezerow où ils auraient une extraordinaire fermette. Il passa une heure à dépeindre de nouveau sa famille : son père et l’université, sa mère et la musique, sa sœur et son frère et le nouveau bébé – il hésita et compta les années –, le benjamin ou la benjamine de la famille, qui avait maintenant plus de cinq ans.
    – Si c’est un garçon, il doit s’appeler Adam. C’est ma mère qui a choisi ce nom en disant qu’il symboliserait, en quelque sorte, la renaissance de la Pologne. Si c’est une fille, elle s’appelle Zofia, comme ma mère. Ça, c’est la décision de mon père. Je suis heureux qu’ils aient choisi les prénoms avant que je quitte. Mes pensées étaient baptisées.
    Pamela l’écoutait sans dire un mot. Jerzy vit qu’elle frémissait. Il en fut enhardi. Il lui prit la main et la porta tout doucement à ses lèvres. Jamais elles n’avaient effleuré une chose aussi douce que la peau de Pamela, sauf peut-être lorsqu’il avait goûté un pétale de rose. Pamela sursauta, ferma les yeux quelques instants avant de les rouvrir pour le fixer, en versant une larme qui le chamboula. Il lui répéta alors combien il l’aimait et que c’était grâce à elle s’il avait pu reprendre goût à la vie. Pamela détourna le regard et lui demanda de la suivre. Elle se leva et marcha dans un couloir qui n’en finissait plus.
    – Êtes-vous assez en forme pour monter deux étages?
    Jerzy fit signe que oui.
    – Le bon pied vers le ciel, le mauvais en enfer.
    Ils montèrent, elle derrière lui, une main prête à le retenir s’il perdait l’équilibre. Ils arrivèrent enfin au dernier étage de l’hôpital. Jerzy n’aurait pas su expliquer pour quelle raison il sentait sa poitrine vibrer. Pamela marchait d’un pas qu’il trouva hésitant. Elle s’arrêta enfin devant une porte qu’elle poussa. Il la suivit dans une chambre qui ne comptait que quatre blessés. Elle s’immobilisa enfin devant un corps qui ne semblait tenir à la vie que par les fils des bandages et les câbles des palans. Jerzy le regarda et haussa les épaules. Il savait que ce genre de malade, comateux et émietté,

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