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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Mais je ne sais pas du tout si je vais être capable de m’adapter à un gouvernement russe. Disons que dans ma famille on se méfie un peu des Russes. Est-ce que j’aurais d’autres possibilités?
    Le major regarda Jerzy avec amusement. Il n’y avait qu’un Polonais pour négocier les conditions de son rapatriement. Il connaissait bien celui-là, qui avait joué du violon pour aider compatriotes et compagnons d’infortune à survivre à une guerre qui n’avait plus aucune signification pour eux, sauf des anecdotes douloureuses de plus en plus oxydées.
    – Vous avez de la famille en Pologne?
    – Sûrement. Je viens de Cracovie.
    – Il y a de bonnes chances.
    Le major hésita.
    – Mais, le cas échéant, vous pourriez toujours opter pour un pays du Commonwealth.
    Jerzy hocha la tête. Il aurait à prendre une décision à l’aveuglette. Comment pouvait-il jouer à colin-maillard avec sa vie alors qu’il ne savait plus rien, qu’il ne savait même pas s’il avait encore quelque chose?
    – J’ai jusqu’à quand pour me décider, major?
    – Prenez le temps dont vous avez besoin.
    Cette rencontre l’avait profondément déprimé. Jamais soldat ne s’était senti aussi désarmé. Il n’en retenait que la question : «Vous y avez de la famille?» Il en ressentit d’abord un léger malaise, puis une inquiétude adhérant à ses insomnies. Quand son inquiétude se métamorphosa en angoisse, il décida enfin de réagir.
    Jerzy entra dans le bureau de la Croix-Rouge et fut forcé d’attendre pendant des heures que son tour vienne. Contraint à l’immobilité, il ne put empêcherses pensées de s’activer. Il laissa ses yeux errer autour de la pièce et reconnut sur les visages des émotions calquées sur les siennes. Tous recherchaient quelqu’un ou espéraient être retrouvés. Les mains attirèrent son regard et il remarqua qu’elles étaient presque toutes nerveuses. Les visages demeuraient impassibles mais les mains trahissaient le désarroi. Jerzy eut soudainement peur que personne ne l’attende. Il regarda ses mains qui venaient d’être prises de peur.
    Son tour vint enfin et l’employé de la Croix-Rouge prit note de toutes les coordonnées.
    – Je ne suis pas très optimiste. Nous ne retrouvons presque personne, surtout chez les Polonais.
    – Mais ma famille est de Cracovie…
    – Ce n’est pas parce que nous n’essayons pas, mais nous commençons à nous organiser et nous n’avons pas assez de personnel. Il faudrait qu’à chaque demande une personne se déplace et aille enquêter sur les lieux. Enfin, nous allons faire de notre mieux. Ne perdez pas courage. Vous avez raison quant à Cracovie.
    Jerzy erra dans les rues. Il n’avait pas envie de retourner à sa chambre, encore plus déprimante que l’hôpital. Il lui fallait agir, trouver une direction à prendre. Il avait évidemment écrit aux siens, mais sa lettre était demeurée sans réponse. Il en accusa les lenteurs de la reconstruction des pays.
    La mi-juin passa et il n’avait reçu aucun encouragement de la Croix-Rouge. Il pensa aux semis qui mourraient avant même d’avoir pu germer. Alors, il décida de mettre son orgueil en veilleuse et de demander l’aide de Pamela. Il alla la voir à l’hôpital et l’invita à le rencontrer dans un pub de Sloane Square. Elle hésita avant d’accepter.
    Pamela était déjà assise et sirotait un thé glacé en attendant Jerzy. Avant d’entrer dans le pub, il la regarda longuement par un carreau d’une fenêtre et retint son chagrin pour ne pas diluer son courage. Il s’approcha enfin et eut presque mal de voir le visage de Pamela s’illuminer de plaisir. Il s’assit un peu gauchement, n’ayant pas encore réussi à contrôler la douleur de son dos lorsqu’il changeait de position.
    – Je m’excuse d’être forcé de vous demander ce que je vais vous demander.
    Pamela continuait de sourire, mais soudain son sourire était moins assuré. Alors Jerzy y alla franchement. Pouvait-elle lui prêter l’uniforme de son mari afin qu’il puisse aller à Cracovie sous les traits d’un Anglais, voir ce qui l’y attendait et décider de son avenir sous un meilleur éclairage?
    Pamela détourna le regard. Il craignit son refus pendant tout le temps que dura sa réflexion.
    – Je vais vous rendre l’uniforme, c’est promis.
    Il se sentit ridicule, sachant fort bien que l’uniforme n’avait rien à voir avec sa requête.
    – Et si on vous arrête? Si on veut voir vos

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