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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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put, question de faire enrager Jan. Elle avait les joues rougies par les fruits et les dents complètement obstruées par les petits grains jaunes. Marek et Jan ne mirent pas plus de cinq minutes à refaire les provisions et à revenir. Ils éclatèrent de rire en voyant qu’elle avait tout mangé. Jan feignit une sainte colère parce qu’elle ne lui avait rien laissé.
    – Est-ce que madame la princesse pense que nous allons courir tout l’avant-midi pour aller lui chercher des fruits? Pourquoi pas un bain de fraises puisque tu y es?
    Marek riait de voir sa femme aussi radieuse. C’était la première fois qu’il avait l’occasion de la voir se tacher de nourriture. Ils n’en avaient jamais eu assez.
    – Restez tous les deux ici, je reviens.
    – Pas question. À deux, on en rapporte plus.
    Les beaux-frères repartirent à la course. Jan se retourna pour crier à Élisabeth de ne pas tout manger. Elle répondit que jamais un vol n’avait été aussi sucré. Marek éclata de rire, se retournant à son tour pour lui reprocher d’avoir une morale qui s’étirait au mêmerythme que son estomac. C’est à ce moment que Jan entendit et qu’Élisabeth vit l’explosion. Jan se retourna et aperçut Marek qui retombait après avoir été propulsé et déchiqueté dans les airs. Une mine! Ils étaient dans un champ de mines! Ce constat ne prit qu’un micron de sa pensée qui filait maintenant vers Élisabeth. Elle s’était relevée et hurlait la mort évidente de Marek. Elle tenta de rejoindre le corps de Marek mais Jan la supplia de n’en rien faire.
    – Non, non! Reste où tu es, Élisabeth. Ne bouge pas.
    – Je l’ai tué! Je l’ai tué, Jan! Comme j’ai tué Adam! Attends-moi, Jan! J’arrive!
    – Non! Reste où tu es!
    – Je veux mourir!
    Elle avança dans le champ et Jan paniqua. Sa sœur voulait mourir. Il sentit que ses genoux allaient l’abandonner. Il vit Élisabeth se rapprocher du cadavre de Marek. Il commença donc à courir dans sa direction, tâchant de mettre les pieds dans ses propres pas. Il croisa le cadavre avant elle et détourna le regard, n’ayant aperçu qu’un amas de tripes rouges qui sortaient de ce qui avait été un ventre. Quant à la tête, il la devina non loin d’Élisabeth. Il lui fallait absolument faire une diversion pour qu’elle ne la voie pas. Il commença alors à lui demander de l’aide pour sortir de ce champ.
    – Viens de ce côté, Élisabeth. Aide-moi à trouver mes pistes. Dis-moi où je dois aller.
    Élisabeth arrêta de marcher, regarda le désespoir et la peur de son frère et, comme hypnotisée, se dirigea vers lui. Jan soupira. Puis elle s’immobilisa de nouveau et regarda vers le corps de Marek.
    – Il est mort, Élisabeth. Je l’ai vu de plus près que toi. Il est mort. Il ne peut plus t’entendre.
    Élisabeth se mit alors à hurler de ce hurlement qui avait fait si mal à son frère quand les mitraillettes s’étaient attaquées à la chair de leurs parents. Sauf que, cette fois, Jan ne pouvait la bâillonner, pas plus qu’il ne pouvait la consoler. Abandonnant toute prudence, il se précipita vers elle et l’attrapa au moment où elle tombait de chagrin.
    – Laisse-moi marcher dans le champ, Jan. Laisse-moi marcher. Je veux mourir.
    Jan pleurait maintenant autant qu’elle. Il était étonné de la force qu’elle avait. Il tenta de la retenir mais elle se débattit en le mordant et en lui donnant des coups de pied. Elle réussit presque à lui échapper. Alors, ne sachant que faire, il lui donna un coup de poing en pleine figure. Elle le regarda de ses yeux noyés avant de s’évanouir devant lui. Il la porta jusqu’au bâtiment, sanglotant de désespoir. Après l’avoir installée sur le sol, il s’agenouilla à côté d’elle, lui baisant une main en berçant son avant-bras.
    – Je ne veux pas que tu meures, moi. Je n’ai que toi, Élisabeth. Je ne veux pas que tu meures. Qu’est-ce qui m’arriverait? Qui m’aimerait? Je ne veux pas que tu meures, moi.
    Il s’allongea à côté d’elle, la couvrant de toute sa peur et de tout son amour, et continua de sangloter douloureusement, la tête nichée dans l’angle de son coude droit replié, la main gauche refermée fébrilement sur les lunettes de son père.

28
    En apparence, rien n’avait changé, et pourtant plus rien n’était pareil. Jerzy était planté devant la maison de la rue Nicolas, les mains moites et le cœur en cavale. Il espérait voir sortir sa sœur ou

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