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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Élisabeth.
    – Dans le fond, c’est presque pour Adam que c’est le plus triste.
    – Qui?
    Jan et Élisabeth se regardèrent.
    – Adam, notre petit frère.
    Le père Villeneuve eut la surprise de sa vie d’apprendre que ses amis avaient eu un autre enfant et se tut pour le reste du trajet. Leur arrivée au presbytère créa tout un émoi. Les religieuses se précipitèrent pour les accueillir, les délester de leur bagage et les conduire à leurs chambres. Jan et Élisabeth se sentirent entraînés dans un remous de compassion, les «Pauvres petits!», «Pauvres enfants!» et «Pauvres orphelins!» se succédant à une vitesse étourdissante. Du coup, Jan eut le fou rire, causé tant par l’excitation de l’arrivée que par la quantité de formules sympathiques dont on l’arrosait. Ils se rejoignirent tous les trois au parloir.
    – Vous m’excuserez de reparler de la mort de Tomasz et de Zofia, et d’Adam, évidemment, mais j’ai pensé chanter une messe de Requiem. Pour Adam, je pourrais même ajouter un extrait de la messe des Anges. Qu’est-ce que vous en dites?
    Jan et Élisabeth se regardèrent. Ils venaient de prendre conscience que leurs parents, Adam, Jerzy et Marek avaient probablement tous été enterrés dans des sols non consacrés et qu’aucun prêtre ne les avait bénis. L’offre du père Villeneuve leur fit chaud à l’âme.
    Ils passèrent à table et Jan commença à parler un peu plus, surtout de leur exode puis de leur exil volontaire, mais jamais il ne mentionna le nom de Marek. Le père Villeneuve ne cessait de hocher la tête, les regardant, encore incrédule, souffrant de les entendre.
    – La guerre crée toujours des héros. Il y a ceux dont on parle dans les journaux et les livres et qui sont immortalisés par des plaques vissées aux édifices ou par des noms de rues, et il y a les autres, les petits, que personne ne connaît mais qui, à eux seuls, donnent un sens au sacrifice de tant de vies.
    Élisabeth était mal à l’aise devant cet éloge mais Jan s’en porta assez bien, puisqu’il avait la conviction que son entêtement l’avait secouru, jour après jour. Il fut reconnaissant que le père Villeneuve le lui dise, même s’il n’allait pas jusqu’à penser qu’il avait été un héros. Il était simplement assez content de lui-même d’avoir soutenu sa sœur lorsque la souffrance lui avait coupé le souffle de vie.
    – Et Jerzy?
    – C’est comme on vous l’a dit. Il est parti un soir. J’avais à peine douze ans quand il est parti et j’étais convaincue qu’il reviendrait pour Noël. Je ne sais rien d’autre.
    – À Amberg, j’ai pris des renseignements à la Croix-Rouge du camp de réfugiés. Son nom n’était nulle part.
    Jan et Élisabeth dormirent profondément, chacun dans un lit au drap empesé et sentant le calme parfum des religieuses plutôt que la vapeur du train. Le lendemain matin, ils mangèrent en tête-à-tête dans un réfectoire, une religieuse ne cessant de bourdonner autour d’eux. Le père Villeneuve les rejoignit enfin et il leur offrit de leur montrer le paysage manitobain.
    – Nous ferions bien d’apporter une petite valise avec un nécessaire au cas où nous passerions la nuit à l’extérieur.
    Jan feignit un immense plaisir alors qu’il n’avait qu’une seule envie: défaire cette valise en un endroit qu’il pourrait appeler «chez lui». Quant à Élisabeth, l’idée lui plut davantage parce qu’elle avait envie d’ouvrir sa valise, ne fût-ce que pour en sortir autre chose qu’une robe de nuit. Ils partirent donc dans une confortable Packard noire et longèrent une rivière, tantôt l’Assiniboine, tantôt la Rouge. La campagne était différente de la campagne européenne par l’immensité des terres planes qui embrassaient l’horizon. Différente aussi de ce qu’ils avaient vu de la campagne québécoise, plus taquine et vallonneuse, plus ombragée aussi. Le père Villeneuve conduisait distraitement, saluant à gauche et à droite, désignant une maison ou une ferme.
    – Est-ce que notre campagne te plaît, jeune homme?
    – Oui, beaucoup.
    – C’est parce qu’elle est très généreuse.
    Ils roulèrent pendant quelques heures le long de la rivière, passant d’un village à l’autre, ne s’arrêtant qu’à l’heure du repas, qu’ils prirent dans un champ, assis sur une couverture. L’idée était de Villeneuve et Jan la trouva de mauvais goût, l’été étant depuis longtemps parti et

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