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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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musiciennes. C’était un critère d’embauche et ma mère leur donnait aussi des cours. Habituellement, elles venaient pour une année.
    – Vous ne voulez vraiment pas essayer d’obtenir un diplôme?
    – Non, merci. Je n’ai qu’une seule envie, cultiver ma propre terre.
    L’agent le toisa encore une fois et Jerzy, qui en eut conscience, essaya de donner à son expression le plus de Pawulski possible.
    – Seriez-vous prêt à partir le 22 novembre? Passé cette date, la mer est désagréable à naviguer.
    – Je suis prêt à partir hier.
    Jerzy marcha lentement, essayant de préparer les phrases qu’il devrait dire à Pamela pour lui annoncer la nouvelle. Il s’arrêta au pub de Sloane Square pour prendre une bonne bière brune et froide. Il en prit plus d’une, pour se donner du courage. Après ce qu’il décida être sa dernière chope, il se sentit prêt à tout lui dire. Boitillant doublement, il rentra à la maison. Pamela n’était pas là et il ne trouva aucune note explicative. Il en fut franchement attristé, car, ce soir, il se sentait plus près d’elle qu’il ne l’avait été depuis longtemps. Était-ce parce que tout à coup il avait pris conscience qu’elle pourrait lui manquer ou était-ce parce qu’il regrettait un peu, un tout petit peu, qu’elle le laisse partir sans tenter de le retenir?

33
    Jan et Élisabeth étaient assis devant le père Villeneuve, impressionnés par la salle dans laquelle il les avait conduits. Les fougères étaient d’un vert quasi comestible et pas un seul grain de poussière ne venait, en tombant, salir le silence de la pièce. Le père Villeneuve les avait attendus sur le quai de la gare Union et Jan avait bien reconnu dans ses yeux la crainte que pouvait ressentir un pasteur d’avoir perdu ses brebis. Le père Villeneuve avait agité la main en les apercevant, à la surprise d’Élisabeth qui le trouva extraordinaire de les avoir reconnus. Il avoua plus tard que c’était parce qu’ils tenaient des violons.
    Jan regarda la toiture, faite de planches non peintes retenues par des poutres d’acier ajouré. Il trouva cette gare beaucoup moins belle que la gare Centrale de Montréal. Ils descendirent une dizaine de marches et le père Villeneuve ouvrit une porte. Cette fois, ils pénétrèrent dans la vraie gare et Jan se trouva un peu stupide de ne pas avoir remarqué qu’ils étaient sur des quais extérieurs et couverts.
    Le regard de Jan fut attiré par la lumière qui coulait du plafond. Il demeura bouche bée devant la hauteur et l’immensité du dôme central, presque aussi impressionnant que celui de l’oratoire Saint-Joseph. Il se dit que le dôme semblait couver les passagers, comme sil’architecte avait pensé que la gare pourrait accueillir des gens apeurés. Élisabeth, elle, découvrit un cercle découpé dans le granit du plancher, où elle vit, incrustées, des feuilles d’érable en bronze. La dorure du bronze lui rappela les couleurs des arbres du Québec. Le père Villeneuve ne cessait de les regarder, semblant chaque fois se pincer secrètement pour se convaincre qu’il n’était pas victime d’une hallucination. Jan lui jetait occasionnellement un furtif coup d’œil, le cherchant dans ses souvenirs les plus lointains. Tout ce qu’il revoyait, c’était le plaisir qui se lisait dans les visages de Villeneuve et de ses parents quand ils étaient ensemble. Il avait vaguement souvenir d’un souper, la veille de son départ. Quant à Élisabeth, elle se demandait comment un homme aussi séduisant avait pu choisir la prêtrise. Elle balaya ces pensées sacrilèges en se souvenant que les prêtres polonais étaient les plus beaux hommes que la patrie ait produits.
    En route pour le presbytère de la paroisse Sacré-Cœur, située dans Winnipeg même, le père Villeneuve tenta quelques questions. Jan et Élisabeth comprirent tous les deux qu’il souhaitait les entendre raconter les huit dernières années mais ni l’un ni l’autre n’avait envie d’en parler. Devant son air mortifié, Jan se sentit terriblement méchant et il lui promit de le faire un jour. Il s’empressa cependant de le rassurer en lui disant que ses parents avaient eu peur pendant peut-être dix minutes, sans souffrances autres que morales, avant une agonie qui les avait propulsés vers la mort à la vitesse de l’éclair. Le père Villeneuve écrasa une larme dans le coin de son œil, ce qui provoqua de petits hoquets de tristesse chez

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