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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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va ? a-t-elle demandé.
    — J’en sais rien, ai-je répondu. On y va, c’est tout.
    Échappant à mon emprise, elle s’est éloignée en tapant des
    pieds. Je l’ai suivie. Ai repris sa main.
    — Papa a dit que tu devais venir avec moi.
    — Où ?
    — Loin. Et maintenant, cours !
    Je me suis élancé en la tirant derrière moi. Plantant ses
    talons dans le trottoir, elle a hurlé et m’a donné des coups de
    pied. Au moment où je pensais qu’elle en avait terminé avec
    moi, elle a craché sur ma chemise et m’a écrasé les orteils. J’ai
    poussé un cri. Elle s’est sauvée.
    Cette nuit-là, nous ne sommes pas allés voir les trains. Nous
    sommes rentrés à la chambre avec des choux bruns et de la
    graisse. M. Milgrom était toujours éveillé. M’attrapant, il m’a
    secoué.
    — Qu’est-ce que je t’avais dit ?
    Je ne distinguais pas son visage dans l’obscurité, mais sa
    voix était furieuse. Je crois qu’il avait envie de me frapper.
    Ensuite, il nous a de nouveau serrés très fort contre lui.
    Cela s’est reproduit plusieurs nuits d’affilée. M. Milgrom
    m’ordonnait de ne pas revenir – puis il nous l’a ordonné à tous
    deux. Janina refusait d’obéir. Nous rentrions vers sa voix
    172

    furibonde et les claques qui ne tombaient jamais.

    Rue Zamenhof.
    Rue Mila.
    Rue Lubecki.

    Enfin, une nuit, nous ne sommes pas revenus.

    173

39

    Nos poches étaient bourrées de harengs séchés. Janina sentait
    le sel et le poisson. En arrivant près de notre trou, nous avons
    vu des lumières et des gens. Nous nous sommes dissimulés dans
    le noir et avons attendu. Les lumières ont fini par s’éteindre, les
    gens par s’éloigner. Nous avons couru jusqu’au mur. Le trou
    avait disparu. Remplacé par une surface de briques lisses.
    Nous avons longé l’enceinte jusqu’à la gare Stawki. Les
    portes des fourgons à bestiaux claquaient, engloutissant des
    défilés entiers de personnes. Pressés de retourner dans le
    ghetto, nous avons cherché le passage de la gare qui nous avait
    permis de venir regarder les trains. Lui non plus n’était plus là.
    — Il y a d’autres trous, ai-je dit.
    Toute la nuit, nous avons couru d’ombre en ombre le long
    de l’enceinte infinie, nous cachant des Bottes Noires, cherchant
    un moyen de rentrer dans le ghetto. Il y avait des gardes, des
    lumières, des briques partout, mais pas de trous. Nous avons
    entendu des tirs et des cris de l’autre côté. Des aboiements.
    Nous avons vu des lueurs de lance-flammes. Janina était de plus
    en plus énervée. À chaque coup de feu, elle criait « Papaaaa ! »
    et lançait un coup de pied dans le mur.
    — Il va bien, lui disais-je.
    Je la serrais contre moi.

    Le ciel était gris, et les étoiles pâlissaient lorsque nous
    sommes revenus à notre point de départ. Le jour se levait, et
    nous étions coincés au Paradis.
    J’ai trouvé de la poussière blanche au pied du mur. J’en ai
    frotté mon visage et mes mains. Ça a fait rire Janina. Elle m’a
    frappé avec un poisson séché, puis nous l’avons mangé. Nous
    avons dormi par terre, dans le parc du manège. Réveillés à midi,
    nous avons marché dans la ville. Je me suis souvenu des paroles
    174

    de Youri.
    — N’aie pas l’air coupable, ai-je recommandé à Janina.
    — C’est quoi, coupable ?
    — Je sais plus. Fais-le, c’est tout. J’ai bien enfoncé son
    brassard chiffonné au fond de sa poche.
    Nous avons erré, parmi les passants et les cratères de
    bombes, mâchant notre poisson. Nous avons joué à qui aurait
    l’air le moins coupable. Nous avons ri. Nous avons salué les
    gens. Nous sommes retournés en courant au manège pour
    monter les chevaux, mais ils étaient immobiles. Je n’arrêtais pas
    d’attendre la musique entraînante – n’entendais que les coups
    de feu, dans le ghetto.
    A la nuit, nous nous sommes approchés de l’enceinte. J’ai
    compris quel imbécile j’étais. Qu’avais-je donc espéré ? Que les
    trous allaient réapparaître ? Que le mur allait s’abaisser en
    l’espace d’une nuit ? J’aurais voulu que Gros Henryk soit là pour
    que nous puissions grimper sur ses épaules. Je me suis efforcé
    de réfléchir, de réfléchir. Tout à coup, Janina s’est précipitée sur
    le mur, a mis ses mains en coupe et a crié : « Papaaaa ! » de
    toutes ses forces. Je l’ai plaquée au sol, et nous avons roulé dans
    l’ombre au moment où un Bottes Noires apparaissait.
    Histoire de nous occuper,

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