Métronome
doute, aux temps heureux, on y chassait lapins, sangliers et chevreuils. Mais c’est à une tout autre chasse que les cieux tremblants assistent en ce jour. Des milliers d’hommes s’affrontent dans une mêlée affreuse.
Le sifflement sinistre des flèches et des javelots semble fendre l’air. Les fantassins romains jettent leurs lances terrifiantes et les chevaliers, du haut de leur monture, lâchent avec leurs arcs des nuées de traits meurtriers qui fondent sur les Gaulois fauchés par rangs entiers. Aucun tir ne paraît manquer sa cible, certains combattants sont même atteints de plusieurs flèches et s’écroulent tout hérissés de dards mortels. D’interminables volées sont ainsi décochées, les denses nuages striés freinent un instant l’avance des Parisii, mais ceux-ci, aspirant à la mort, reprennent leur marche, indifférents. Et des centaines d’hommes s’effondrent encore, comme si cette mort pleuvait sur eux.
Le vieux Camulogène, sabre en main, galvanise ses hommes, leur criant qu’ils doivent périr pour Camulus… Les Gaulois parviennent un moment à enfoncer les lignes romaines : protégés par leur large bouclier, ils percent les carrés ennemis. Ce sont les Romains, maintenant, qui vacillent et reculent.
Mais soudain, une légion romaine, étendards dépliés, se met en marche du fond de la plaine… Quatre mille mercenaires qui se tenaient en réserve viennent surprendre les Gaulois par l’arrière. Aucune retraite n’est plus possible. Le choc est épouvantable, le carnage horrible. Les lourds sabres gaulois se brisent net sur les épées romaines, plus légères et mieux trempées. Le sang coule et abreuve la terre, la longue plainte des blessés monte de la plaine de Garanella…
De part et d’autre, on se bat avec un égal acharnement, pour mourir ou pour toucher la solde. Car les Parisii ne fuient pas. Ils ne cherchent pas dans la déroute une vaine survie. Et quand le soleil se couche, la plaine est jonchée de milliers de cadavres gaulois entrelacés. Camulogène lui-même a trouvé la mort dans cette ultime défense. Pour une Lutèce déjà détruite…
Où sont les restes des guerriers gaulois ?
La plaine de Garanella est devenue la commune de Grenelle, annexée à Paris sous le second Empire. Mais les Romains, impressionnés par la vaillante défense des Gaulois, ont baptisé « Champ de Mars » l’endroit précis où se déroula la bataille entre les légionnaires de Labienus et les soldats de Camulogène. Champ de Mars… le champ de la guerre.
Bien plus tard, à l’endroit même où reposent les restes du chef gaulois et de ses hommes, s’éleva la tour Eiffel… comme un tumulus qui aurait été construit pour honorer ces guerriers. Les Parisiens, indifférents, viennent ici s’ébrouer le dimanche, sans savoir qu’ils foulent une terre qui, depuis plus de vingt siècles, a avalé les ossements de ces Parisii qui ont offert à leur peuple le sacrifice suprême.
Quelques mois après l’incendie de la première Lutèce, une bataille décisive s’engage entre les troupes de Jules César et celles de Vercingétorix. Au cœur de l’été, le proconsul remonte au nord avec ses six légions pour rejoindre Labienus victorieux. Le chef gaulois et sa cavalerie attaquent les Romains, mais des mercenaires germains, venus prêter main-forte aux troupes romaines, repoussent les Gaulois.
Vercingétorix se replie alors sur les hauteurs d’Alésia, sans doute en Bourgogne, avec une impressionnante armée, à laquelle se sont joints huit mille combattants parisii. Une dizaine de légions romaines viennent faire le siège de la ville, mais les assaillants sont moins nombreux que les assiégés. Les Romains doivent donc, pour l’instant, renoncer à l’offensive, ce qui ne les empêche pas de tenter d’affamer les Gaulois encerclés en établissant autour de l’oppidum d’Alésia une double ligne de fortifications.
Alors que l’été jette ses derniers feux, une armée gauloise arrive en renfort. Dans l’obscurité de la nuit, ce nouveau contingent donne l’assaut. Il se bat jusqu’au petit matin, mais ne parvient pas à percer les lignes ennemies. C’est alors qu’une autre armée gauloise attaque le camp supérieur des Romains, pendant que Vercingétorix sort de la ville avec ses hommes. Sous la violence de l’assaut, les Romains commencent à se replier. César envoie des troupes fraîches et réussit finalement à refouler les troupes gauloises.
Weitere Kostenlose Bücher