Métronome
C’est la débandade. Les Gaulois qui n’ont pas eu la « chance » de mourir sur le terrain cherchent à fuir. Les cavaliers romains leur coupent la retraite, prélude à un massacre terrifiant. Tout est fini. Le lendemain, Vercingétorix sort du camp à cheval et vient déposer ses armes aux pieds de César… Trois ans plus tard, le chef arverne sera étranglé au fond de sa prison romaine.
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Dans cette Gaule devenue gallo-romaine, les Romains se mettent rapidement en tête de reconstruire Lutèce. Mais pourquoi ne pas choisir un autre emplacement que cette boucle de la Seine ? Pourquoi ne pas opter pour une position plus propice à la défense ? Une véritable île sur le fleuve, par exemple. Justement, à un jet de pierre du Champ de Mars, où Labienus a trouvé sa victoire, se situent quelques petits îlots. Sur le principal d’entre eux, se dresse un modeste temple élevé aux dieux gaulois : Cernunnos, maître de l’abondance ; Smertios, protecteur des troupeaux ; Esus, démiurge des forêts… Des nuées blanches de mouettes planent au-dessus de l’humble construction, ces nuages laiteux et jacassants s’abattent parfois pour venir picorer quelques miettes des offrandes déposées par les fidèles.
Les Gaulois de Lutèce, incités par les Romains victorieux, viennent se regrouper autour de ce temple, lieu de foi et de dévotion. Les îlots, bientôt reliés entre eux par des ponts, dessinent déjà l’ébauche d’une cité nouvelle… Et c’est ainsi que Lutèce, ville gallo-romaine, émerge sur cette langue de terre perdue dans les eaux, ce sera, un jour, l’île de la Cité.
Comme par le passé, les Parisii vivent ici du fleuve et par le fleuve. Car le fleuve continue de leur donner la prospérité. Les nouveaux Lutéciens font acquitter des taxes au voyageur qui veut franchir les ponts ou faire passer sa barque. Lutèce représente ainsi une ville-pont, un péage pour franchir la Seine. Allez dans la crypte de Notre-Dame, sous le parvis, vous y verrez les restes du premier quai gallo-romain datant du I er siècle. Plus tard, la devise de Paris « Fluctuat nec mergitur » – elle tangue mais ne coule pas – se voudra l’héritage de ce lien originel et nécessaire avec le fleuve.
Au I er siècle de notre ère, la petite île s’articule déjà autour des symboles de l’autorité terrestre et du pouvoir céleste : à l’ouest, un palais fortifié, siège des autorités romaines ; à l’est, le lieu de culte des Parisii. Mais le temple de Lutèce est agrandi, embelli, ouvert aussi aux dieux du panthéon romain, mêlant ainsi les deux cultures… Et c’est sur la Seine qu’est érigé ce premier monument important de la ville. Les nautes, confrérie de mariniers naviguant sur les cours d’eau, témoignent de leur reconnaissance en offrant un pilier de soutènement du bâtiment, une colonne de près de cinq mètres de haut constituée de quatre blocs cubiques sculptés à l’effigie des divinités gauloises Cernunnos, Smertios, Esus, mais aussi des dieux romains Vulcain et Jupiter… C’est justement au dieu des dieux romains et à l’empereur Tibère, qui régna de 14 à 37, que le pilier est dédié : « À Tibère César Auguste et à Jupiter, très bons, très grands, les nautes du territoire des Parisii, aux frais de leur caisse commune, ont érigé ce monument. » La civilisation gallo-romaine s’inscrit désormais dans la pierre.
Lutèce est fixée à tout jamais, notre histoire de Paris peut démarrer, tout peut commencer, au point même qu’un homme nommé Jésus s’apprête à remettre à l’heure les pendules du temps, comme pour fêter de loin cette naissance…
Qu’est devenu le pilier des nautes ?
En 1711, à l’occasion du percement, sous le chœur de la cathédrale Notre-Dame, d’un caveau destiné à recueillir les sépultures des archevêques de Paris, le pilier des nautes a été mis au jour, inclus dans la maçonnerie de deux murs. Restauré entre 1999 et 2003, il est exposé aujourd’hui au musée de Cluny.
Les lieux sacrés restent lieux sacrés au-delà des croyances… Ce n’est pas un hasard si cette œuvre a été trouvée dans les soubassements de Notre-Dame, ce n’est pas un hasard si la cathédrale reste le principal lieu de culte catholique des Parisiens : à cet endroit de l’île de la Cité se sont élevés les premiers temples votifs des Gaulois devenus ensuite Gallo-Romains puis chrétiens.
II e siècle
PLACE
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