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Meurtres dans le sanctuaire

Meurtres dans le sanctuaire

Titel: Meurtres dans le sanctuaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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Kathryn lui trouvait une ressemblance certaine avec une grosse carpe. Sa fille Beatrice, décharnée, blafarde, le regard vide et la mâchoire pendante, se remettait à peine d’une crise de haut mal qui l’avait frappée la veille au soir.
    — Que puis-je faire pour elle ? gémit le petit homme, poussant sa pauvre fille vers un tabouret.
    Kathryn, qui s’était assise face à la fillette, lui prit la main.
    — Vous n’auriez pas dû me l’amener, murmura-t-elle, cherchant le regard d’Henry. Je suis impuissante à la soigner.
    Henry se dandinait nerveusement d’un pied sur l’autre.
    — Venta la sage dit qu’il faut lui ouvrir le crâne pour que s’en échappent les humeurs mauvaises, déclara-t-il.
    Venta, une vieille sorcière à cheveux gris qui exhalait une odeur nauséabonde, habitait dans les bas quartiers au nord de la ville, et faisait fortune en vendant de l’eau colorée et en promettant des guérisons miraculeuses. Kathryn pinça les lèvres et examina les yeux de Beatrice, dont les iris étaient très dilatés. Elle prit ensuite un morceau d’étoffe de laine pour essuyer la salive qui coulait au coin de la bouche de la fillette.
    — Si vous suivez le conseil de Venta, murmura-t-elle, votre fille mourra. C’est déjà arrivé.
    Henry indiqua du doigt les coupelles à saignée ainsi que les petites lames soigneusement alignées sur la table.
    — Et pourquoi ne la saignez-vous pas ?
    Kathryn fixa un instant le regard absent de Beatrice.
    — Si je le faisais, je la tuerais.
    Elle se leva alors pour disparaître dans son petit cabinet de travail. Là, elle prit deux morceaux de parchemin dans lesquels elle versa un peu de poudre, avant de regagner la cuisine.
    — Mélangez ceci dans du vin coupé d’eau, dit-elle à Henry, et donnez-le-lui à boire.
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda l’homme.
    — Du patis flora et des graines de pavot pilées, expliqua Kathryn en lui glissant les petits paquets dans la main. Je ne puis rien faire de plus, et je le regrette, ajouta-t-elle. Cependant, comme je vous l’ai déjà dit, quand votre fille a une de ces crises, allongez-la et assurez-vous que sa langue remue librement dans sa bouche. Dès qu’elle reprend ses esprits, donnez-lui un bol de bon bouillon et du vin bien fort, et puis le soir, administrez-lui ces remèdes mélangés dans du vin coupé d’eau.
    Comme Henry faisait la moue, Kathryn pensa un instant qu’il allait refuser. Elle murmura :
    — Je ne suis pas Dieu.
    À cet instant, Thomasina apparut dans la cuisine.
    — À votre place, je prierais, dit-elle doucement à l’adresse du fabricant de sacs.
    — Où ? s’exclama sauvagement celui-ci. Au sanctuaire du martyr ? La rumeur court qu’un tueur y rôde !
    Sur ces mots, l’homme jeta quelques pièces sur la table, puis, ses médicaments dans une main, il prit le bras de sa fille Beatrice de l’autre, et sortit.
    D’autres patients se présentèrent. Torquil, le charpentier qui s’était coupé la main. Comme il avait négligé de laver la plaie, celle-ci était maintenant pleine d’un pus verdâtre. Kathryn la nettoya avec du vinaigre mélangé à du vin. Torquil hurla. Thomasina lui fit honte, le traitant de bébé, tout en pansant sa main avec un mélange de lait séché et de mousse écrasée.
    Vint ensuite Mollyns, le meunier. Il portait un bec de pie suspendu à son cou et se tenait le côté droit de la mâchoire en gémissant. Alice, sa femme, l’accompagnait. Elle expliqua en termes colorés qu’il souffrait d’une affreuse rage de dents.
    — Il n’a pas dormi de la nuit, se lamenta-t-elle, et moi non plus. Il est comme un chien à qui on a coupé une patte. Il souffre tant qu’il ne peut plus moudre le blé, se querelle avec ses clients et donne du bâton à l’apprenti.
    Kathryn ordonna à Thomasina d’approcher une chandelle, puis elle fit asseoir Mollyns avant de lui demander :
    — Pourquoi portez-vous ce bec de pie ?
    — On m’a dit qu’il soignerait mon mal de dents, grogna le meunier.
    Kathryn lissa le nez.
    — Ça pue ! Ouvrez grande la bouche, Mollyns.
    Le meunier obéit. Kathryn approcha la chandelle en prenant garde de ne pas brûler la barbe broussailleuse et la moustache de son patient. Elle inspecta la cavité sombre de sa bouche, s’efforçant de cacher combien son odeur fétide lui soulevait le coeur. Contre toute attente, les dents de Mollyns étaient blanches et propres, à l’exception d’une seule,

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