Meurtres Sur Le Palatin
séché et les
lambeaux de chair à grande eau. Bizarre...
Le
léopard, peut-être. Ces bestioles empestaient toujours.
-
On m'a fait savoir que tu avais besoin de moi pour un portrait, centurion ?
-
Oui, acquiesça Kaeso. Je ne savais pas à qui m'adresser pour ce travail et
Caligula m'a dit un jour que tu avais fait un portrait de sa mère
incroyablement ressemblant.
L'homme
s'inclina avec un sourire suffisant, débordant de fierté.
-
De sa mère, centurion, mais aussi de son père, de son grand-père, de sa...
-
Oui, peu importe, le coupa le jeune prétorien. J'ai besoin du portrait d'un
homme, probablement un gladiateur.
Iambicus
fronça les sourcils et cligna des paupières, perdu.
-
Un... gladiateur ?
-
Très certainement, oui.
-
Je... euh... Et lequel, centurion ?
-
C'est justement ce que j'aimerais découvrir. C'est pour ça que j'ai besoin de
ce portrait. Pour voir si quelqu'un le reconnaît.
Le
portraitiste gonfla les joues et écarquilla les yeux, de plus en plus
désorienté.
-
Bien mais... où est-il, ce gladiateur ?
-
Là, sur la table, fit Kaeso en désignant une forme imprécise sous un drap
blanc.
Matticus
rabattit le drap, dévoilant le cadavre retrouvé dans la ruelle.
Iambicus
blêmit et, devant sa déconfiture, son " apprentie " faillit éclater
de rire.
-
Essaye de nous le faire bien reconnaissable, surtout, précisa le second de
Kaeso. Avec les yeux ouverts, s'entend, pas comme il est là. Plus... Plus...
-
Vivant ? le secourut la jeune femme avec un sourire moqueur qu'elle avait le
plus grand mal à contenir.
-
C'est ça ! Vivant.
-
Bien. Nous te laissons donc travailler tranquille. Matticus t'attendra dans le
vestibule.
Les
prétoriens quittèrent la pièce et Iambicus passa une main tremblante sur son
visage, à deux doigts de se sentir vraiment mal.
-
Alors maître ? railla l'esclave, les yeux pétillants de malice, en se penchant
sur le corps. J'élargis les épaules ou je virilise la mâchoire ?
-
Ouh !
Le
portraitiste fit mine de lever la main avec une grimace rageuse et la jeune
femme pouffa.
La
taverne du Loup gris était pleine, et des relents de sueur, d'urine, d'huile de
friture ou de lampe rendaient l'air irrespirable.
Des
combats clandestins de gladiateurs, tout pari ou jeu d'argent avait été
formellement interdit par le Sénat sous peine de lourde sanction, avaient eu
lieu dans la journée et, ivres de sang et de vin bon marché, les esprits
s'échauffaient.
Danaé,
la maîtresse des lieux, grimée, gloussante et languissamment affalée sur son
fauteuil de rotin, minaudait avec les politiciens véreux, les jeunes patriciens
venus s'encanailler et les brigands de tout poil sans paraître incommodée par
la puanteur et le bruit, en dépit de sa grossesse avancée.
Sa
"clientèle", que satisfaisait une dizaine de filles aux seins lourds
et un garçon au minois ravissant ne pouvait d'ailleurs s'empêcher de se
demander quelle étrange créature sortirait bientôt de son ventre, aussi rebondi
que la panse de l'amphore avec laquelle un tout jeune esclave remplissait régulièrement
sa coupe d'argent, un cadeau de Marcus.
Mon
beau Marcus... Mon noble centurion..., songea Danaé en frottant son ventre
tendu avec une moue gourmande.
Même
dans ses rêves les plus fous, elle n'aurait jamais imaginé pouvoir mettre un
jour un homme pareil dans son lit ! Oh ! Non... Même s'il était tombé en
disgrâce et n'avait plus de son grade chez les prétoriens qu'un souvenir : un
plastron orné du célèbre scorpion, qu'il gardait précieusement dans son coffre
personnel et auquel Danaé avait interdiction formelle de toucher.
Pauvre
Marcus. Quelle terrible histoire...
Marcus
Gallus Rufus était le frère cadet de Lucius Gallus Rufus, un jeune prétorien
ambitieux et le second, à cette époque, de celui que tous, à Subure, appelaient
"le Bructère au léopard" : le centurion Kaeso Concordianus Licinus.
Un empêcheur de tourner en rond notoire qui avait freiné à plusieurs reprises
le "commerce" florissant de Subure, combats clandestins de
gladiateurs ou d'animaux, prostitution et brigandage en tout genre, de
s'étendre aux quartiers aisés de la cité.
Deux
ans plus tôt, cependant, le préfet du prétoire, Séjan, avait réussi à jeter
cette ordure blonde, rejeton d'une chienne barbare, au cachot sous la fausse
inculpation de "lèse-majesté".
Lucius
Gallus Rufus, qui avait oeuvré à la disgrâce de Kaeso par des accusations
abusives, avait
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