Meurtres Sur Le Palatin
reçu en cadeau les biens de celui-ci ainsi que son poste au
sein des cohortes prétoriennes. Du pain bénit pour les canailles car, tant
qu'il resta à la tête des troupes palatines, pas un prétorien ne mit une caliga
dans les quartiers mal famés de Subure.
Tous
avaient même cru être définitivement débarrassés de l'encombrant prétorien
sang-mêlé mais, hélas, ce sauvage Bructère mal dégrossi avait des amis haut
placés. Très haut placés, même... Et une fois le conspirateur Séjan confondu et
arrêté, une véritable chasse aux sorcières débuta. Lucius suivit le préfet du
prétoire dans sa chute, de même que tous ceux qui l'avaient soutenu ou aidé
dans ses intrigues. Il dut rendre les biens de son rival et fut publiquement
humilié avec toute sa famille.
Le
jour même du retour triomphal de Kaeso à Rome, Lucius Gallus se suicida en
compagnie de son père et de son fils de quinze ans : ils se firent tous trois
couper les veines par le plus vieil esclave de la maison.
Après
avoir recueilli leur sang dans une jarre, la veuve de Lucius alla la déverser
sur le perron de la maison du Bructère en hurlant imprécations et malédictions.
En pure perte... Sans doute grâce à l'oeuvre protectrice de la sorcière
germaine au nom imprononçable qui l'avait mis bas, à n'en pas douter ! Cette
femme se disait "guérisseuse" mais le bruit courait qu'elle se
servait plus volontiers de magie que de médecine...
La
pauvre veuve éplorée, elle, paya de sa vie cet étalage de haine, sur ordre de
Macro, le nouveau préfet du prétoire qui avait remplacé Séjan. On ne menaçait
pas un officier de la prestigieuse garde prétorienne impunément ! Et encore
moins s'il s'agissait d'un ami intime de la famille impériale et de Caligula en
personne, l'héritier de l'empereur Tibère et descendant direct du grand Auguste
et de Marc-Antoine...
Marcus
Gallus, qui avait toujours soutenu son frère bien-aimé, perdit tout dans ce
drame, y compris son rang et son honneur. Chassé de la prestigieuse garde
prétorienne, ruiné, humilié et traîné plus bas que terre, le jeune homme pensa
aussi au suicide mais, heureusement pour lui, certains personnages peu
recommandables savaient reconnaître et accueillir un homme "de talent"
lorsqu'il se présentait...
Paria
parmi les siens, Marcus devint un roi craint et respecté dans ce quartier de
Rome où même les milices des vigiles hésitaient à mettre un pied une fois la
nuit tombée... Un roi qui l'avait choisie, elle, Danaé, une ancienne
courtisane, pour reine.
Reine
qui, d'un ample regard, embrassa son "royaume" : la Taverne du loup
gris, anciennement appelée "la Taverne de Minerve", sur laquelle
Marcus avait fait main basse en égorgeant de ses mains puissantes le précédent
maître des lieux, prenant ainsi le contrôle d'une partie du commerce illicite
de Subure.
C'est
Danaé qui avait choisi le nouveau nom, en l'honneur de son "roi",
Marcus Gallus, dont on disait que la magnifique et épaisse chevelure avait viré
au gris argent en une seule nuit, à l'annonce de la mort de son frère aîné et
de son père.
Du
coin de l'oeil, la jeune femme vit soudain s'avancer Cnaeus, un sénateur aux
ardeurs aussi vertes que son teint, et qui était ce que l'on pouvait appeler un
"habitué de l'établissement". Ce vieil homme bedonnant demandait peu
mais payait bien et, pour Danaé, c'était tout ce qui comptait.
-
Cnaeus ! s'écria-t-elle de sa voix suraiguë en tapotant le coussin d'un
tabouret, à côté de son fauteuil. Viens donc t'asseoir près de moi.
Les
deux gladiateurs accroupis devant elle se levèrent en adressant un sourire
goguenard au sénateur et se saisirent de la plus jeune des prostituées, Sapho,
qui poussa un gloussement ravi.
-
Je n'en reviens pas de te voir dans cet état, chère Danaé ! fit le vieil homme
en jetant un regard à son ventre rond mais sans oser y porter la main, personne
ne touchait aux biens personnels de Marcus Gallus à moins d'avoir des tendances
suicidaires.
-
Et pourtant, cher Cnaeus. Et pourtant...
-
Il s'agissait bien de la dernière chose à laquelle je m'attendais de ta part.
Me voilà bien désespéré.
-
Ne me dis pas que tu es venu pour moi, je ne te croirais pas. Ne serait-ce pas
plutôt Mnester, la raison de ta venue ? fit-elle, taquine, en désignant du menton
un jeune homme court vêtu aux longs cheveux de néréide et d'une beauté
étourdissante.
Il
discutait aimablement avec un client : un jeune aveugle au
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