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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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monstrueuses, faute de quoi il ordonnerait une enquête judiciaire. Séjan essaya de le calmer, mais il restait debout, roulant des yeux terribles ; enfin Gallus lui rappela doucement que c’était Montanus l’accusé, et non pas lui ; que sa réputation était au-dessus de tout soupçon ; que si le bruit d’une telle enquête arrivait jusqu’aux frontières, les provinces et les nations alliées risquaient de l’interpréter à tort.
    Peu de temps après, Tibère – était-ce un coup monté par Séjan ? je n’en sais rien – fut averti par Thrasylle qu’il quitterait bientôt la ville, et que s’il y rentrait jamais, c’était la mort. Il se retira à Capri et chargea Séjan de le remplacer à Rome. Il assista cependant à un dernier procès de haute trahison : celui de ma cousine Claudia Pulchra, la veuve de Varus, qui était depuis l’exil de Sosia l’amie la plus intime d’Agrippine. On l’accusait de se livrer à la débauche, de prostituer ses filles et de pratiquer des sorcelleries contre Tibère. Aucune de ces accusations, je suppose, n’était justifiée. À peine Agrippine eut-elle appris la nouvelle qu’elle courut au palais ; elle y trouva Tibère en train de sacrifier à Auguste. Sans presque attendre la fin de la cérémonie elle s’approcha de lui et lui dit : « Tu n’es pas logique, Tibère. Tu sacrifies des flamants et des paons à Auguste, et tu persécutes ses petits-enfants. »
    Il dit lentement :
    — Je ne te comprends pas. Ai-je persécuté un seul de ses petits-enfants qu’il n’eût persécuté lui-même ?
    — Je ne parle pas de Postumus ni de Julilla. Je parle de moi. Tu as banni la femme de Silius parce que c’était mon amie. Tu as forcé Silius à se tuer pour la même raison. Et bien d’autres de même. Maintenant ma chère Pulchra est condamnée aussi, bien qu’elle n’ait d’autre tort au monde que son imprudente affection pour moi. Les gens commencent à me fuir, en disant que je porte malheur.
    Tibère la prit par les épaules et dit une fois de plus :
     
    Et si tu n’es pas reine, ma chère,
    Penses-tu qu’on t’ait fait tort ?
     
    Pulchra fut condamnée et exécutée. L’avocat qui prononça le réquisitoire était un certain Afer, choisi pour son éloquence. Quelques jours plus tard Agrippine le rencontra par hasard devant le théâtre : il détourna les yeux avec un air de honte. Mais elle s’avança vers lui et lui dit : « Tu n’as aucune raison de te cacher de moi, Afer. » Puis elle cita, en l’arrangeant pour la circonstance, la réponse rassurante qu’Homère fait faire par Achille aux hérauts qui viennent de lui remettre avec embarras le message humiliant d’Agamemnon :
     
    On t’a forcé. Tu as eu ton salaire,
    Mais le mal vient d’Agamemnon.
     
    La phrase revint aux oreilles de Tibère, et le mot d’« Agamemnon » réveilla toutes ses frayeurs.
    Agrippine tomba malade et se crut empoisonnée. Elle monta en litière et se rendit au palais pour faire appel une dernière fois à la pitié de Tibère. Elle était si maigre et si pâle qu’il fut enchanté : peut-être après tout mourrait-elle bientôt.
    — Ma pauvre Agrippine, dit-il, tu as l’air bien malade ! qu’y a-t-il donc ?
    Elle répondit d’une voix faible :
    — Je t’ai peut-être calomnié en t’accusant de persécuter mes amis uniquement parce que ce sont mes amis. Il se peut que je les aie mal choisis ou que mon jugement m’ait égarée. Mais je te jure que tu me calomnies, toi aussi, en me jugeant déloyale envers toi ou avide de pouvoir. Tout ce que je demande, c’est qu’on me laisse tranquille, que tu me pardonnes le mal que j’ai pu te faire sans le savoir, et… et…
    Elle éclata en sanglots.
    — Et quoi encore ?
    — Ô Tibère, sois bon pour mes enfants ! sois bon pour moi ! Laisse-moi me remarier. Je suis si seule ! Depuis la mort de Germanicus je n’arrive pas à oublier mes ennuis. Je ne peux plus dormir. Si tu me laisses me remarier je me calmerai et deviendrai une tout autre femme : alors tu ne me soupçonneras plus de comploter contre toi. Je suis sûre que c’est mon air malheureux qui te fait croire à mes mauvais sentiments à ton égard.
    — Et qui voudrais-tu épouser ?
    — Un brave homme, généreux, sans ambition : un homme mûr, et l’un de tes ministres les plus fidèles.
    — Son nom ?
    — Gallus.
    Tibère tourna les talons et sortit de la pièce sans répondre un mot.
    Quelques

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