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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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Mon beau Germanicus assassiné, mes petits-fils Néron, Drusus et Gémellus assassinés, ma fille Livilla punie par mes propres mains de ses abominables crimes – cela, c’était le pire : jamais mère n’a souffert ce que j’ai souffert là. Et mes quatre petites-filles qui ont toutes mal tourné, et cet immonde sacrilège de Caligula… Mais tu lui survivras. Je crois que tu survivrais à un Déluge universel…
    Sa voix, calme au début, avait retrouvé son ton habituel d’irritation et de reproche.
    — Mère, lui dis-je, n’as-tu pas, même en ce moment, une bonne parole à me dire ? T’ai-je jamais volontairement déplu ou désobéi ?
    Mais elle n’eut pas l’air de m’entendre.
    — J’ai été joliment punie, répéta-t-elle. Puis : Je te prierai de venir chez moi dans cinq heures : d’ici là j’aurai terminé mes préparatifs. Je compte sur toi pour me rendre les derniers devoirs. Je n’ai pas besoin que tu recueilles mon dernier souffle : si je ne suis pas morte quand tu arriveras, attends dans le vestibule que ma femme de chambre Briséis te fasse signe. Ne bredouille pas les formules mortuaires – ce serait bien de toi ! J’ai laissé par écrit mes instructions pour les funérailles. C’est toi qui conduiras le deuil. Je ne veux pas d’oraison funèbre. N’oublie pas de me couper la main pour l’enterrer à part, car ce sera un suicide. Je ne veux pas de parfums sur le bûcher : on le fait souvent, mais c’est strictement contraire à la loi et j’ai toujours regardé cela comme du gaspillage. Je donne la liberté à Pallas : il doit en porter l’insigne dans le cortège, ne l’oublie pas. Et pour une fois dans ta vie essaie de conduire une cérémonie jusqu’au bout sans faire de bêtise.
    Ce fut tout, sauf un « adieu » pour la forme. Ni baiser, ni larmes, ni bénédiction. En fils déférent j’exécutai ses dernières volontés à la lettre. Mais il était étrange qu’elle eût donné la liberté à Pallas, qui m’appartenait. Elle avait fait la même chose pour Briséis.
    En regardant brûler son bûcher de la fenêtre de sa salle à manger, quelques jours plus tard, Caligula dit à Macro : « Tu m’as bien soutenu contre la vieille. Je vais t’en récompenser en te donnant la charge la plus honorifique de tout l’Empire : je vais te nommer gouverneur de l’Égypte. » Macro était enchanté : il ne savait jamais au juste où il en était avec Caligula, et en Égypte du moins il serait tranquille. Comme l’avait dit Caligula, le poste était d’importance : le gouverneur de l’Égypte pouvait affamer Rome en arrêtant les fournitures de blé, et en renforçant la garnison à l’aide de recrues locales, il pouvait tenir la province contre n’importe quelle armée venant du dehors.
    Macro cessa donc d’être commandant des Gardes. Au début Caligula ne prit personne pour le remplacer, mais laissa les neuf colonels commander chacun un mois à tour de rôle, sous prétexte de choisir à la fin le plus fidèle et le plus capable. En réalité il avait déjà promis la charge en secret au colonel du bataillon qui assurait la garde du palais : ce même Cassius Chéréas dont on n’a pas oublié le nom si on a lu cette histoire avec la moindre attention – celui du combat singulier dans l’amphithéâtre, celui des quatre-vingts rescapés du massacre de Varus, celui de la tête de pont. Bien qu’il n’eût pas encore soixante ans, il avait maintenant les cheveux blancs, le dos légèrement voûté et les mains tremblantes à la suite d’une fièvre dont il avait manqué mourir en Germanie, mais c’était encore une fine épée et l’homme le plus brave de Rome. Un jour, un vieux soldat des Gardes, devenu subitement fou furieux, parcourait avec sa lance la cour du palais, persuadé qu’il tuait des rebelles français. Tout le monde s’enfuit, sauf Cassius, qui, seul et sans armes, laissa le furieux s’élancer sur lui ; à ce moment il donna tranquillement l’ordre du champ de manœuvres : « Halte ! Déposez… armes ! » Le fou, chez qui l’obéissance aux ordres était comme une seconde nature, s’arrêta et posa sa lance sur le sol. Cassius ordonna alors : « Demi-tour ! Marche ! » et le désarma.
    La nomination de Macro en Égypte n’était qu’un tour de Caligula – le même tour, en somme, que Tibère avait joué à Séjan. Macro fut arrêté à Ostie au moment où il montait à bord et ramené enchaîné à

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