Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
Vom Netzwerk:
aussi bien que les voyageurs et les marchands.
    — Ce n’est que justice, approuvai-je. Mais il y a quelque chose que je voudrais savoir tout de suite : sous quel nom faut-il t’adorer ? Est-il incorrect, par exemple, de t’appeler Jupiter ? N’es-tu pas plus grand que lui ?
    — Oh ! plus grand, sans aucun doute, dit-il, mais encore anonyme. Pour le moment, pourtant, je crois que je vais m’appeler Jupiter – le Jupiter latin, pour me distinguer de ce Grec. Il faudra d’ailleurs que je lui règle son compte un de ces jours. Il en a fait trop longtemps à sa tête.
    — Comment, demandai-je encore, se fait-il que ton père n’ait pas été Dieu, lui aussi ? Je n’ai jamais entendu parler d’un dieu dont le père ne fût pas divin.
    — C’est bien simple. Le Dieu Auguste était mon père.
    — Il ne t’a jamais adopté, pourtant ? En adoptant tes frères aînés il t’a laissé pour continuer la lignée de ton père.
    — Je ne parle pas d’adoption. Il est mon père par son inceste avec Julie. Il doit l’être. Tu ne voudrais pas que je fusse le fils d’Agrippine, dont le père n’était rien du tout ? C’est ridicule.
    Je n’étais pas assez sot pour lui faire remarquer qu’en ce cas Germanicus n’était pas son père et que par conséquent ses sœurs n’étaient que ses nièces. Je le laissai dire, comme me l’avait conseillé Drusilla, puis ajoutai : « Voici l’heure la plus glorieuse de ma vie. Permets-moi de me retirer et d’aller, avec ce qui me reste de forces, t’offrir immédiatement un sacrifice. L’air divin que tu exhales est trop fort pour mes narines mortelles. Je manque de me trouver mal. » En effet, l’atmosphère de la chambre était irrespirable. Caligula n’avait pas permis qu’on ouvrît les fenêtres depuis le jour où il avait pris le lit.
    — Va en paix, me dit-il. J’avais songé à te tuer, mais maintenant j’ai changé d’avis. Dis à mes Éclaireurs que je suis Dieu et que mon visage luit, mais pas un mot de plus. Silence sacré pour tout le reste.
    Je me traînai de nouveau sur le sol et sortis à reculons. Ganymède m’arrêta dans le corridor pour me demander des nouvelles.
    — Il vient, répondis-je, de devenir Dieu – un Dieu très important, s’il faut l’en croire. Son visage luit.
    — Mauvaises nouvelles pour nous autres mortels, dit Ganymède. Mais je l’ai vu venir. Merci pour le tuyau. Je vais le passer aux autres. Drusilla est-elle au courant ? Non ? Alors je vais la prévenir.
    — Dis-lui qu’elle est Déesse aussi, au cas où elle ne s’en serait pas aperçue, ajoutai-je.
    Je regagnai ma chambre. « Tout est pour le mieux, me disais-je. Tout le monde va s’apercevoir qu’il est fou, et on l’enfermera. Mais Auguste n’a pas d’autre descendant en âge d’accéder à l’Empire, sauf Ganymède – et il n’a ni la popularité ni la force de caractère nécessaires. Il faudra donc rétablir la République. Le beau-père de Caligula est l’homme qu’il nous faut pour cela. C’est le plus influent des sénateurs. Je le soutiendrai. Si seulement nous arrivons à nous débarrasser de Macro et à trouver un bon commandant des Gardes, tout ira bien. Ces Gardes représentent le plus grand obstacle. Ils savent trop bien que jamais un Sénat républicain ne leur votera des primes de cinquante et cent pièces d’or par tête. Oui, c’est en faisant des Gardes une sorte d’armée personnelle de mon oncle Tibère que Séjan a donné à la monarchie ce caractère d’absolutisme oriental… Il faudra détruire le camp et loger les hommes chez l’habitant, comme autrefois… »
    Mais – le croira-t-on – la divinité de Caligula ne souleva pas même un commentaire. Pendant quelque temps il se contenta de faire circuler la nouvelle sous le manteau tout en restant officiellement simple mortel. Évidemment le sans-gêne de ses relations avec les Éclaireurs eût été ébranlé et la plupart de ses plaisirs singulièrement gâtés si chacun avait dû, dès qu’il paraissait, se précipiter face contre terre. Mais dix jours après sa guérison – qui fut accueillie avec une jubilation inexprimable – il s’était déjà fait décerner tous les honneurs mortels d’Auguste, et quelques-uns de plus. Il était César le Bon, César le Père des armées. César le Très-Gracieux et Très-Puissant, et même – ce que Tibère avait refusé toute sa vie – César le Père de la Patrie.
    Sa première

Weitere Kostenlose Bücher