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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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victime fut Gémellus. Caligula envoya chercher un colonel des Gardes et lui dit : « Tue immédiatement mon fils : c’est un traître. » Le colonel alla tout droit chez Gémellus et lui trancha la tête. Ensuite ce fut le tour de son beau-père. Celui-ci appartenait à la famille Silana ; Caligula avait épousé sa fille Junie, mais elle était morte en couches avant son accession à l’Empire. Silanus était le seul sénateur que Tibère n’eût jamais soupçonné d’infidélité et ses sentences étaient sans appel. Caligula lui envoya un message : « Demain à l’aube tu dois être mort. » Le malheureux fit ses adieux à sa famille et se coupa la gorge avec un rasoir. Caligula expliqua par lettre au Sénat que Gémellus avait eu la fin d’un traître : pendant sa maladie, loin de prier pour sa guérison, il essayait de s’insinuer dans les bonnes grâces des officiers de la Garde. De plus, toutes les fois qu’il venait dîner au palais, il prenait un contrepoison : l’odeur s’en répandait sur toute sa personne. « Mais existe-t-il un antidote contre César ? » Quant à Silanus, c’était également un traître. « Le jour où je me suis embarqué pour Pandataria dans la tempête afin de recueillir les restes de ma mère et de mon frère, il a refusé de m’accompagner, mais est resté à terre dans l’espoir de s’emparer de la monarchie si le bateau venait à couler. »
    Le Sénat accepta ces explications. Cependant la vérité était tout autre. Silanus avait si peu le pied marin qu’il manquait mourir du mal de mer toutes les fois qu’il montait en bateau, même par temps calme, et c’était Caligula lui-même qui l’avait aimablement dissuadé de l’accompagner pendant ce voyage. Quant à Gémellus, il souffrait d’une toux persistante, et l’odeur dont parlait Caligula était celle du médicament qu’il prenait pour s’adoucir la gorge, afin de ne pas incommoder ses voisins pendant le repas.
     

29
     
     
    À la nouvelle de la mort de Gémellus, ma mère, navrée, se rendit au palais et demanda à voir Caligula. Il savait qu’elle venait lui faire des reproches et la reçut de mauvaise grâce.
    — Petit-fils, dit-elle, puis-je te parler en particulier ? C’est au sujet de Gémellus.
    — Non, certainement pas en particulier, répondit-il. Dis ce que tu as à me dire devant Macro. Puisque c’est si important, il faut bien que j’aie un témoin.
    — Alors j’aime mieux me taire. C’est une affaire de famille qui n’est pas faite pour les oreilles des fils d’esclave. Le père de cet individu était le fils d’un de mes vignerons. Je l’ai vendu à mon beau-frère pour quarante-cinq pièces d’or.
    — Tu vas me faire le plaisir de me dire immédiatement ce que tu voulais, et sans insulter mes ministres. Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de forcer n’importe qui à faire ce que je veux ?
    — Cela ne te fera pas plaisir.
    — Dis-le.
    — Comme tu voudras. Je suis venue te dire que le meurtre de mon pauvre Gémellus est de l’assassinat pur et simple, et je renonce à tous les honneurs que j’ai reçus de tes mains criminelles.
    Caligula se tourna en riant vers Macro.
    — À mon avis, ce que cette vieille dame a de mieux à faire pour le moment est de rentrer chez elle et d’emprunter une serpette à un de ses vignerons pour se couper les cordes vocales.
    — C’est ce que j’ai toujours dit à ma propre grand-mère, dit Macro ; mais la vieille sorcière n’a pas voulu m’écouter.
    Ma mère vint me trouver : « Je vais me tuer, Claude, me dit-elle. Tu trouveras mes affaires en ordre. Il y aura quelques petites dettes : paie-les sans tarder. Sois bon pour mes serviteurs : ce sont des travailleurs fidèles. Je regrette de laisser ta petite fille sans personne pour en prendre soin : je crois que tu ferais mieux de te remarier pour lui donner une mère. C’est une bonne enfant.
    — Quoi, mère ! te tuer ? lui dis-je. Et pourquoi ? Ne fais pas cela !
    Elle sourit avec aigreur.
    — Ma vie m’appartient, je suppose ? Pourquoi me dissuaderais-tu d’y mettre fin ? Je ne te manquerai pas beaucoup, j’imagine ?
    — Tu es ma mère. On n’a qu’une mère.
    — Ta déférence me surprend. Je n’ai pas été très affectueuse envers toi. Comment l’aurais-je pu ? Tu as toujours été une déception pour moi : un être faible, malade, craintif, dans la lune… Mais les dieux m’ont bien punie de t’avoir négligé.

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