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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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qu’il y avait eu des troubles. Une nuit, un peu avant l’aube, Caligula avait été dérangé par le bruit lointain de la foule qui se pressait déjà autour de l’amphithéâtre, afin d’entrer dès l’ouverture et de prendre les meilleures places. Il avait envoyé une compagnie de Gardes armés de bâtons pour rétablir l’ordre. Les Gardes, mécontents d’être ainsi tirés de leur lit, frappèrent à tort et à travers et tuèrent beaucoup de monde. Ensuite, pour bien montrer son mécontentement, Caligula ne parut à l’amphithéâtre qu’assez tard dans l’après-midi. La foule était affamée et épuisée par l’attente. Quand les Vert Poireau donnèrent une exhibition équestre, ils se firent huer et siffler. Caligula furieux bondit de son siège : « Je voudrais que vous n’ayez qu’une seule gorge ! Je la couperais d’un coup ! »
    Le lendemain on devait avoir un combat de bêtes sauvages. Caligula décommanda tous les arrangements prévus et fit envoyer à l’amphithéâtre la collection de bêtes la plus misérable qu’il put trouver sur le marché : lions et panthères galeux, ours malades, vieux taureaux usés : le genre d’animaux qu’on envoie dans les garnisons de province où l’assistance n’est pas difficile et où les bestiaires amateurs n’aiment pas avoir affaire à des bêtes de trop bonne qualité. Il substitua aussi aux combattants qu’on attendait des hommes assortis aux animaux : de gros vétérans rhumatisants et poussifs, dont quelques-uns avaient pu être bons dans leur temps – à l’époque de l’âge d’or d’Auguste. La foule les accueillit par des sarcasmes et des huées. C’était ce qu’attendait Caligula. Il fit saisir par ses officiers ceux qui avaient fait le plus de bruit et ordonna de les mettre dans l’arène afin de voir s’ils s’en tireraient mieux. Lions galeux, ours malades et vieux taureaux leur firent leur affaire en un clin d’œil.
    Il commençait à devenir impopulaire. Le peuple aime les vacances, c’est entendu ; mais quand l’année entière n’est plus qu’une longue vacance, que personne n’a le temps de vaquer à ses occupations et que le plaisir devient obligatoire, c’est une autre chanson. On se lassait des courses de chars. C’était bon pour Caligula, qui s’intéressait personnellement aux attelages et aux conducteurs et à l’occasion menait un char lui-même. Il s’en tirait assez bien, et ses concurrents avaient grand soin de ne pas le dépasser. On se lassait aussi du théâtre. Sauf pour les connaisseurs, toutes les pièces se ressemblent – c’est du moins mon avis. Caligula, lui, croyait s’y connaître ; de plus il était attaché par des liens sentimentaux à l’acteur philistin Apelle, qui écrivait la plupart des pièces dans lesquelles il jouait. Une de ces pièces, dont il avait lui-même suggéré quelques passages à Apelle, lui plaisait entre toutes : il la fit jouer et rejouer jusqu’à ce que tout le monde l’eût prise en horreur.
    Plus encore qu’Apelle, il aimait Mnester, le principal danseur des ballets mythologiques alors en vogue. Les jours où celui-ci avait été particulièrement bon, il l’embrassait devant toute l’assistance. Un jour, un chevalier, pris d’une quinte de toux, dut sortir du théâtre pendant la représentation : le bruit qu’il fit en gagnant la sortie par des couloirs encombrés gêna Mnester, qui s’arrêta au milieu d’un de ses pas les plus exquis, accompagné par la flûte en sourdine. Caligula, furieux contre le chevalier, le fit amener devant lui et le battit de ses propres mains. Puis il l’envoya d’urgence à Tanger porter un message scellé au roi du Maroc. Celui-ci ouvrit le message et lut avec stupéfaction : « Aie la bonté de renvoyer le porteur à Rome. » L’incident irrita profondément les autres chevaliers : Mnester, qui n’était qu’un simple affranchi, se donnait des airs de triomphateur. Caligula prenait de lui et d’Apelle des leçons particulières de danse et d’éloquence : au bout de quelque temps il prit l’habitude de monter sur la scène pour les remplacer. Après une tirade tragique on le voyait se tourner vers la coulisse et crier à Apelle : « Parfait, n’est-ce pas ? Toi-même tu n’aurais pas fait mieux. » De même, dans le ballet, après un ou deux entrechats, il arrêtait l’orchestre, réclamait le silence absolu et recommençait le mouvement sans musique.
    Tibère avait un

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