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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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déteste maman.
    La statue d’or du temple de Caligula exigeait aussi beaucoup d’argent. Il annonça par édit qu’il recevrait les cadeaux de Nouvel An à la porte principale du palais. Le jour venu, il envoya ses Gardes rassembler à la pointe de l’épée toute la population de la ville et força les citoyens à déposer tout l’argent qu’ils avaient sur eux dans de grands tonneaux disposés à cet effet. On les avait avertis que s’ils essayaient d’échapper aux Gardes ou de conserver un liard de monnaie ils risquaient la mort immédiate. Le soir venu, on avait rempli deux mille énormes tonneaux.
    Vers la même époque, Caligula dit à Ganymède, à Agrippine et à Lesbie :
    — Vous devriez avoir honte, frelons inutiles que vous êtes. Comment gagnez-vous votre vie ? Vous n’êtes que des parasites. Vous rendez-vous compte du travail que chaque citoyen de Rome doit fournir pour m’entretenir ? Le plus misérable des porteurs, la plus pauvre des prostituées, me donne un huitième de son salaire.
    — Mais, frère, dit Agrippine, tu nous as pris sous un prétexte ou sous un autre à peu près tout l’argent que nous possédions. Est-ce que ce n’est pas assez ?
    — Assez ? Jamais de la vie. L’argent dont on a hérité n’est pas l’argent honnêtement gagné. Je vais vous faire travailler, vous allez voir.
    Il annonça au Sénat, par le moyen de prospectus, que telle et telle nuit s’ouvrirait au palais un lupanar raffiné et aristocratique, avec divertissements pour tous les goûts, fournis par des personnes de la plus illustre naissance. Entrée : mille pièces d’or seulement. Buffet gratuit. Agrippine et Lesbie, je regrette de le dire, ne protestèrent pas beaucoup contre la honteuse proposition de Caligula : au contraire, elles trouvèrent la chose assez drôle. Elles réclamèrent seulement de pouvoir choisir leurs clients et de ne pas verser à Caligula une commission trop forte sur ce qu’elles gagneraient. À mon grand dégoût on m’enrôla dans l’affaire, déguisé en portier de comédie. Caligula, masqué et contrefaisant sa voix, était l’entremetteur : il mettait en jeu toute l’astuce de ses confrères pour friponner aux clients leur argent et leur-plaisir. Quand ils protestaient, on me chargeait de les jeter dehors. J’ai les bras assez robustes – plus robustes que la moyenne, je peux le dire, bien que mes jambes ne me servent pas à grand-chose ; et j’amusais beaucoup la foule, par mes sautillements maladroits, d’abord, puis par les rossées inattendues que j’administrais aux clients quand je finissais par mettre la main sur eux. Caligula, d’une voix théâtrale, déclamait les vers d’Homère :
     
    Vulcain s’avance alors pour remplir son office :
    Un rire inextinguible a secoué les cieux.
     
    C’est le passage du premier chant de l’Iliade où le Dieu boiteux sautille à travers l’Olympe, poursuivi par les rires des autres dieux. J’étais étendu sur le sol, en train de rouer de coups de poing le mari de Lesbie – je ne trouvais pas souvent pareille occasion de régler de vieux comptes. En me relevant, je continuai :
     
    Le forgeron boiteux quitte enfin son enclume.
    Oblique, jambe torse, il s’éloigne en boitant.
     
    et je me dirigeai en chancelant vers le buffet. Caligula, enchanté, cita deux autres vers :
     
    Soumettez-vous : le Dieu sait arrêter ses foudres :
    Le Tonnerre clément peut se laisser fléchir.
     
    C’est alors qu’il commença à m’appeler Vulcain, titre dont je me réjouis fort, parce qu’il m’entourait d’une certaine protection contre ses caprices.
    Ensuite Caligula se retira subrepticement, alla ôter son costume et reparut tout à coup sous son aspect habituel à la porte du palais près de laquelle il m’avait posté. Il feignit la surprise et l’indignation devant le spectacle qui s’offrait à ses yeux et recommença à déclamer Homère – la honte et la colère d’Ulysse devant la conduite des femmes du palais.
     
    Abrité sous sa tente il voit, rempli d’horreur,
    Les filles du palais, joyeuses et furtives,
    Courir au lieu secret de leurs amours lascives,
    Tandis qu’il sent frémir son vieil honneur blessé
    Entre plusieurs partis son cœur est balancé.
    Faut-il à tout jamais briser ces nœuds coupables
    Et dans leur sang maudit noyer les misérables,
    Ou faut-il de la honte attendre encor l’effet
    Et laisser les ingrats consommer leur forfait ?
    La rage alors

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