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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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l’emplit – la fureur le harcèle.
    Auprès de ses petits la chienne qui grommelle
    Éloigne l’étranger de son croc menaçant :
    Ainsi l’orgueil dressé gronde en son sein puissant.
    Pauvre cœur, gémit-il, ah ! supporte la peine
    De ton honneur détruit et de ta rage vaine !
    Tu n’as pas enduré de plus terribles maux
    Lorsque les compagnons de dix ans de travaux
    Ont péri dévorés par l’affreux Polyphème,
    Car ta prudence alors t’a préservé toi-même
    Du piège épouvantable où tu les voyais pris.
     
    « Au lieu de « Polyphème », expliqua-t-il, lisez « Tibère ». Puis il frappa des mains pour appeler la Garde, qui accourut au pas accéléré. « Cassius Chéréas, tout de suite ! » On alla chercher Cassius. « Ah ! dit Caligula, Cassius, vieux héros, toi qui m’as servi de coursier quand j’étais enfant, toi mon plus ancien et mon plus fidèle ami, as-tu jamais rien vu d’aussi triste et d’aussi dégradant que ce spectacle ? Mes deux sœurs prostituant leur corps aux sénateurs dans mon propre palais, mon oncle Claude vendant les billets à la porte ! Que diraient, s’ils voyaient cela, ma pauvre mère et mon père ! »
    — Faut-il les arrêter tous, César ? demanda vivement Cassius.
     
    — Non, il faut de la honte attendre encor l’effet
    Et laisser les ingrats consommer leur forfait.
     
    répondit Caligula d’un air résigné, en imitant avec sa gorge le grondement d’une chienne. Cassius reçut l’ordre de repartir avec ses hommes.
    Ce ne fut pas la dernière orgie de ce genre que nous devions voir au palais. Les fois suivantes Caligula obligea les sénateurs qui avaient assisté au spectacle à amener leurs filles et leurs femmes pour seconder Agrippine et Lesbie. Mais l’argent manqua de nouveau, et Caligula résolut de partir pour la France pour voir ce qu’il pourrait tenter de ce côté.
    Il ne m’invita pas à faire partie de l’expédition – je manquai donc tout ce qui suit et ne puis l’exposer en détail. Tout ce que je sais est qu’en arrivant à Lyon, il accusa Ganymède d’avoir visé au trône et le fit exécuter après un jugement sommaire. Lesbie et Agrippine, censées avoir trempé dans le complot, furent exilées dans une île de la côte d’Afrique voisine de Carthage. L’île était chaude et aride : la pêche des éponges y était la seule industrie, et Caligula leur ordonna d’apprendre le métier, car, disait-il, ses moyens ne lui permettaient plus de les entretenir. Mais avant de partir en exil elles durent rentrer de Lyon à Rome à pied, sous escorte armée, en se relayant pour porter l’urne qui contenait les cendres de Ganymède. Elles expieraient ainsi, dit Caligula dans une lettre grandiloquente au Sénat, leurs nombreux adultères avec le jeune homme. Il insista sur la clémence dont il faisait preuve en ne les mettant pas à mort. N’étaient-elles pas pires que des prostituées ? Quelle prostituée honnête eût osé demander pour prix de ses débauches les sommes qu’elles demandaient – et obtenaient ?
    Je n’avais aucune raison de plaindre mes nièces. Elles étaient à leur manière aussi détestables que Caligula, et me traitaient fort méchamment. Trois ans auparavant, à la naissance du bébé d’Agrippine, celle-ci avait prié Caligula de suggérer un nom pour l’enfant. « Appelle-le Claude, dit-il, et ce sera sûrement une beauté. » Agrippine, de rage, manqua frapper son frère : à la place elle se tourna vers moi, cracha dans ma direction, et fondit en larmes. On appela le bébé Lucius Domitius {III} . Lesbie, elle, était trop fière pour faire aucune attention à moi. Si je venais à la rencontrer dans un corridor étroit, elle continuait à marcher au milieu, sans ralentir le pas, et me forçait à m’aplatir contre le mur. Il m’était difficile de me souvenir que c’étaient là les enfants de mon frère et que j’avais promis à leur mère de veiller sur eux.
    Je reçus la mission embarrassante de me rendre en France, à la tête d’une délégation de quatre anciens consuls, pour féliciter Caligula d’avoir étouffé la conspiration. C’était la première fois que je retournais en France depuis mon enfance et je m’en serais volontiers passé. Il me fallut emprunter à Calpurnia l’argent du voyage. Je pris la mer à Ostie et débarquai à Marseille. Après avoir banni mes nièces, Caligula avait mis aux enchères leurs bijoux, leurs parures et leurs

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