Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
Vom Netzwerk:
Antoine à Actium. C’était, dit-il, insulter son ancêtre Antoine. Quelques jours plus tôt, àdîner, il nous avait dit qu’il châtierait les consuls quoi qu’ils fissent, car s’ils s’abstenaient de célébrer la fête ils insulteraient son ancêtre Auguste. À cette occasion Ganymède fit une faute qui devait lui être fatale.
    — Tu es trop fort, très cher ! s’écria-t-il. Tu les attrapes à tous les coups. Mais si les pauvres idiots ont le moindre bon sens, ils célébreront la fête malgré tout, car à Actium c’est Agrippa qui a fait presque toute la besogne ; et il est ton ancêtre aussi ; de la sorte ils honoreront au moins deux de tes ancêtres sur trois.
    — Ganymède, dit Caligula, nous ne sommes plus amis.
    — Oh, s’écria Ganymède, ne dis pas cela, très cher ! Qu’ai-je dit dont tu puisses t’offenser ?
    — Sors de table, ordonna Caligula.
    J’avais déjà compris l’erreur de Ganymède. D’abord il descendait lui-même d’Auguste et d’Agrippa – mais non d’Antoine. Tous ses ancêtres avaient été du parti d’Auguste. Il eût donc mieux fait de ne pas aborder ce sujet. En outre, Caligula détestait qu’on fît allusion à sa parenté avec Agrippa, homme d’origine vulgaire. Cependant il ne prit pour le moment aucune mesure contre Ganymède.
    Il répudia Lollia, sous prétexte qu’elle était stérile, pour épouser une femme du nom de Césonie. Celle-ci n’était ni belle ni jeune : c’était la fille d’un capitaine des Veilleurs et la femme d’un boulanger, je crois, dont elle avait déjà eu trois enfants. Mais elle exerçait sur Caligula un attrait inexplicable, même pour lui. Il avait coutume de dire qu’il lui arracherait, fût-ce par la torture, le secret de l’amour qu’il avait pour elle. On racontait qu’elle lui avait fait boire un philtre qui l’avait rendu fou. Mais ce n’est qu’une hypothèse – fou, en tout cas, il l’était bien avant de la rencontrer. Bref, elle devint enceinte de son fait, et l’idée de devenir père le transporta d’une telle joie qu’il l’épousa.
    Peu de temps après son mariage avec Césonie, il proclama officiellement sa divinité. Il se trouvait, en compagnie d’Apelle, dans le temple de Jupiter sur le mont Capitolin. Il demanda à Apelle : « Lequel est le plus grand, Jupiter ou moi ? » Apelle hésita : il pensait que Caligula plaisantait et ne se souciait pas de blasphémer Jupiter dans son propre temple. Caligula siffla deux de ses Germains, fit déshabiller Apelle et le fit fustiger devant la statue du Dieu. « Pas si vite, disait-il aux Germains. Lentement, pour qu’il le sente davantage ! » À la fin Apelle s’évanouit ; on le ranima avec de l’eau consacrée et on le frappa de nouveau jusqu’à ce qu’il en mourût. Caligula annonça alors par lettre sa divinité au Sénat et se fit bâtir immédiatement un sanctuaire sur le Capitolin « pour que je demeure, dit-il, avec mon frère Jupiter ». Il y fit placer une statue en or fin, trois fois grandeur nature, qu’on habillait chaque jour de vêtements nouveaux.
    Mais il se querella bientôt avec Jupiter : on l’entendit le menacer avec colère. « Si tu ne veux pas comprendre qui est le maître ici, je t’expédie en Grèce. » Jupiter fut censé faire des excuses. « Oh ! dit Caligula, garde ton misérable Capitolin. J’irai, moi, sur le Palatin : la situation est bien plus belle. J’y bâtirai un temple digne de moi, vieux farceur, vieux mal mis, ventre creux ! »
    Quelque temps après, il visitait le temple de Diane avec un ex-gouverneur de Syrie appelé Vitellius. Celui-ci avait remporté là-bas un beau succès en arrêtant par une marche forcée au-delà de l’Euphrate le roi des Parthes qui s’apprêtait à envahir la province. Caligula, jaloux de Vitellius, avait pensé à le faire mettre à mort, mais celui-ci était mon ami et je l’avertis par lettre, dès son débarquement, de ce qu’il fallait faire. À peine arrivé à Rome et conduit en présence de Caligula, il tomba la face contre terre et l’adora comme un Dieu. À ce moment la divinité de Caligula n’était pas encore officielle : celui-ci prit donc l’hommage comme authentique et fit de Vitellius son ami intime. Or, se trouvant avec lui dans le temple de Diane, il parlait à la déesse – non pas à la statue, mais à une présence invisible. « La vois-tu aussi, demanda-t-il à Vitellius, ou seulement le clair de

Weitere Kostenlose Bücher