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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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de Claudes – me répéta qu’Antonia m’appelait « le mauvais présage ». La Nature, disait-elle, m’avait commencé sans me finir, me laissant de côté comme un essai manqué. Les anciens étaient plus sages que nous, eux qui pour le bien de la race faisaient exposer les nouveau-nés débiles sur une colline déserte. Livilla ajoutait peut-être de son propre cru à des réflexions moins blessantes. Pourtant je me souviens qu’un jour ma mère, irritée par la proposition absurde de je ne sais quel sénateur, s’écria : « Cet homme est bête comme un âne – que dis-je ? les ânes ont de l’esprit en comparaison ! Il est bête comme… comme… tenez, comme mon fils Claude ! »
    Germanicus était son favori, comme il était celui de tous. Loin de l’envier, je m’en réjouissais pour lui. Il avait pitié de moi et faisait son possible pour me rendre heureux. La sévérité, disait-il aux autres, ne servait qu’à m’effrayer et à me rendre plus malade. C’était vrai. Mes tics nerveux, mes mouvements de tête, mes digestions nauséeuses, la salive qui dégouttait sans cesse de ma bouche, tout cela provenait surtout des frayeurs qu’on m’infligeait au nom de la discipline. Quand Germanicus prenait ma défense, ma mère riait avec indulgence et disait : « Noble cœur, trouve un objet plus digne de ton affection ! » Quant à ma grand-mère Livie, quand elle m’adressait la parole, c’était généralement pour me dire, sans me regarder : « Sors de cette pièce, petit, je veux m’y tenir. » Elle ne me grondait jamais directement mais m’envoyait un billet bref et glacé. Par exemple : « Il est venu à la connaissance de la noble Livie que le jeune Claude perd son temps à flâner dans la bibliothèque d’Apollon. Tant qu’il n’apprendra rien dans les livres que lui donnent ses précepteurs, il n’a que faire de ceux de la bibliothèque. Sa présence gêne les étudiants sérieux. Que cela ne se reproduise plus. »
    Auguste, lui, ne me traitait jamais avec une cruauté voulue, mais il détestait autant que ma grand-mère se trouver dans la même pièce que moi. Resté enfant au fond, il adorait les petits garçons, mais seulement ceux qu’il appelait de « braves petits hommes », comme mon frère Germanicus ou ses petits-fils Caius et Lucius, qui étaient tous trois de fort beaux enfants. Il faisait élever avec les siens les fils de rois ou de chefs étrangers qu’il gardait en otage, et allait souvent jouer au chat, aux osselets ou aux billes avec eux dans le cloître du collège des garçons. Il avait une préférence pour les enfants à peau foncée – Maures, Parthes, Syriens – et pour ceux qui bavardaient gaiement avec lui comme avec un des leurs. Une seule fois, surmontant sa répugnance, il me fit jouer aux billes avec ses favoris, mais c’était un tel effort pour moi que je me mis à bégayer et à trembler comme un fou, et il ne recommença pas l’expérience. Il détestait les nains, les infirmes, les contrefaits : il disait qu’on devrait les cacher, parce qu’ils portaient malheur. Cependant je n’arrivai jamais à haïr Auguste comme je haïssais ma grand-mère : son antipathie était sans malice et il faisait son possible pour la surmonter. Je devais vraiment être un misérable petit monstre, une honte pour des parents beaux et majestueux comme les miens. Auguste, lui aussi, était beau, quoique trop petit : des cheveux blonds et bouclés qui ne grisonnèrent que fort tard, des yeux brillants, un visage jovial et une prestance agréable.
    Un jour il fit sur moi une épigramme en vers grecs pour amuser Athénodore, un philosophe stoïcien de Tarse, qu’il consultait souvent. J’avais sept ans, et ils me rencontrèrent par hasard près de l’étang des carpes, dans le jardin de ma mère. « Antonia est vieux jeu, dit Auguste : elle n’achète pas à prix d’or les singes apprivoisés des marchands orientaux. Pourquoi ? Parce qu’elle en fait elle-même. » Athénodore réfléchit un instant, puis répondit sévèrement, sur le même mètre : « Antonia, loin d’acheter un singe, ne nourrit même pas de sucreries le malheureux fils de son noble époux. » Auguste eut l’air un peu abasourdi. Ni lui ni Athénodore, à qui on me représentait toujours comme un idiot, ne se doutaient que je pouvais les comprendre. Athénodore, m’attirant à lui, demanda en latin : « Et qu’en pense le jeune Claude ? » Son grand

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