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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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d’hystérie lorsqu’il la repoussait – après quoi elle se vengeait en demandant à des galants ce qu’il ne lui donnait pas lui-même.
    Malheureusement il n’avait comme preuve des infidélités de Julie que des témoignages d’esclaves : ce n’était pas suffisant pour qu’Auguste lui permît de répudier sa fille unique. Plutôt que d’en parler à Livie, il préférait souffrir en silence. L’idée lui vint que s’il quittait Rome, Julie serait peut-être moins prudente et qu’Auguste s’apercevrait de quelque chose. Mais pour cela il aurait fallu qu’une guerre assez importante éclatât sur une des frontières, et il n’en était pas question – d’ailleurs il en avait assez de la guerre. Il avait remplacé mon père à l’armée du Rhin, où Julie avait tenu à le suivre ; maintenant il était depuis quelques mois à Rome, où Auguste le faisait travailler comme un nègre : il était chargé de l’inspection du travail dans les quartiers pauvres de la ville.
    Un jour, n’en pouvant plus, il s’écria devant Livie : « Oh ! mère, échapper, ne fût-ce que quelques mois, à cette vie intolérable ! » Elle ne répondit pas et quitta la chambre d’un air hautain qui effraya Tibère, mais le soir même elle le fit appeler et lui dit, à sa grande surprise, qu’elle avait demandé pour lui un congé à Auguste. Elle était au courant des intrigues de Julie et pensait comme Tibère que le mieux était de lui donner de la corde et de la laisser se pendre. Mais elle songeait surtout à Caius et à Lucius, les fils de Julie et d’Agrippa, les frères aînés de Postumus. Ceux-ci grandissaient, et leurs rapports avec leur beau-père Tibère étaient assez tendus.
    Caius avait en quelque sorte remplacé Marcellus dans le cœur d’Auguste. Ce n’était pas un mauvais garçon au fond, Lucius non plus. Mais Auguste les gâtait à tel point que c’était miracle qu’ils ne devinssent pas pires. Ils vivaient dans un luxe effréné et traitaient légèrement leurs supérieurs, surtout ceux qu’Auguste n’aimait pas. Livie avait bien essayé d’intervenir, mais en vain. Alors elle changea de tactique et poussa Auguste à les gâter davantage. Ils finiraient, pensait-elle, par se croire si importants qu’ils en arriveraient à convoiter la monarchie : elle aurait vent du complot par ses espions et les ferait arrêter tous les deux.
    À son instigation, Auguste nomma Caius consul à quinze ans, bien que l’âge fixé par Sylla fût de quarante-trois et qu’il fallût légalement avoir occupé auparavant trois magistratures d’importance croissante. Lucius reçut plus tard le même honneur. Livie suggéra aussi à Auguste de les présenter au Sénat comme « chefs des cadets » – non pas, comme Marcellus, pour une occasion déterminée, mais afin de leur assurer une autorité permanente sur leurs égaux d’âge et de rang. Bref, il semblait évident qu’Auguste voulait faire de Caius son successeur, et la même jeunesse patricienne qui avait opposé le jeune Marcellus au vétéran Agrippa opposait maintenant le jeune Caius au vétéran Tibère. Le plan de Livie était que celui-ci suivît l’exemple d’Agrippa et se retirât, chargé d’honneurs et de victoires, dans quelque île grecque du voisinage, pour donner au peuple l’impression qu’il voulait laisser le champ libre à Caius et à Lucius. Le parallèle historique serait encore plus complet si ces derniers venaient à mourir en l’absence de Tibère et qu’Auguste eût alors besoin de lui. Livie promit donc à son fils de lui obtenir un congé illimité, mais de le faire nommer Protecteur du Peuple, ce qui empêcherait Caius de l’assassiner, s’il y pensait.
    Elle eut beaucoup de mal à tenir sa promesse. Tibère était le meilleur ministre et le meilleur général d’Auguste, et celui-ci se refusait à envisager sérieusement son départ. Tibère invoqua sa mauvaise santé, insinua que son absence arrangerait Caius et Lucius, avec lesquels il ne s’entendait guère. Auguste ne voulait rien écouter. Caius et Lucius n’étaient que des enfants, ignorants de la guerre comme de la politique : ils ne lui serviraient de rien en cas d’alerte soit à Rome, soit sur la frontière. Il se rendait compte, pour la première fois peut-être, et bien qu’il lui déplût de l’admettre, que Tibère était maintenant son unique recours en cas de danger.
    Il ne restait plus à celui-ci que la suprême ressource de

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