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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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Césars. Quoi qu’il en soit, Auguste trouva un perruquier égyptien qui fabriqua à Julie une magnifique perruque blonde, et comme elle n’avait jamais eu de très beaux cheveux, cet accident, loin de l’enlaidir, l’embellit.
    Chacun savait que Livie tenait Auguste en lisière et que s’il n’avait pas exactement peur d’elle, il prenait tout au moins grand soin de ne pas l’offenser. Un jour, en tant que censeur, il reprochait à quelques riches citoyens le luxe exagéré de leurs femmes : « C’est le devoir d’un mari, disait-il, d’y mettre bon ordre. » Emporté par son éloquence il ajouta malencontreusement : « Je suis parfois obligé d’en faire autant moi-même. » Les coupables poussèrent un cri de joie. « Auguste, s’écrièrent-ils, dis-nous, s’il te plaît, en quels termes tu réprimandes Livie. Cela nous servira de leçon. » Voilà Auguste embarrassé et effrayé. « Vous m’avez mal entendu, dit-il. Je ne dis pas que j’aie jamais besoin de reprendre Livie, qui est, comme vous savez, un modèle de modestie féminine. Mais je n’hésiterais pas à le faire si elle oubliait sa dignité jusqu’à s’attifer comme certaines de vos femmes. » Le soir même, Livie, pour tourner Auguste en dérision, parut à table avec une des robes de cérémonie de Cléopâtre, couverte des bijoux les plus extravagants qu’elle put trouver. Mais il se tira habilement d’une situation délicate et la complimenta de parodier avec autant d’esprit le travers qu’il avait blâmé.
    Livie avait beaucoup appris depuis le temps où elle conseillait à mon grand-père de coiffer le diadème. Le titre de roi restait en exécration à Rome. Mais elle avait compris que le titre n’était rien dès l’instant où Auguste avait entre les mains tous les pouvoirs réels de la royauté. Sur ses conseils il réunit peu à peu en sa personne toutes les dignités importantes de la République. Il passa sa charge de consul à un ami sûr et prit en échange le « haut commandement » qui, théoriquement égal au consulat, se trouvait en fait supérieur à toutes les magistratures. Il exerçait une autorité absolue sur les provinces, nommait les gouverneurs généraux, commandait toutes les armées, avait le droit de lever les troupes et de faire la paix et la guerre. À Rome on l’avait nommé Protecteur du Peuple à vie, ce qui lui donnait l’inviolabilité personnelle, le droit de veto, et rendait ses décisions sans appel. Par la censure il avait à sa merci l’ordre des sénateurs et celui des chevaliers : sous prétexte de manquements à la morale il pouvait ôter à n’importe lequel d’entre eux ses dignités et ses privilèges. Il possédait aussi le contrôle du Trésor public : il était censé rendre périodiquement des comptes, mais personne n’aurait jamais eu l’audace de lui en demander, bien qu’on soupçonnât de fréquents tours de passe-passe entre le Trésor et la cassette privée. Il avait le droit de vie et de mort sur tous les citoyens. Finalement, il s’attribua la dignité de Grand Pontife, qui mettait entre ses mains le système religieux du pays tout entier.
    Le Sénat ne demandait qu’à lui voter n’importe quel titre, sauf celui de roi, qui risquait d’exciter la colère du peuple. Pour lui, ce qu’il eût souhaité, c’est d’être appelé Romulus, mais Livie l’en dissuada. Romulus avait été roi – toujours le mot dangereux – de plus, c’était une des divinités tutélaires de Rome, et prendre son nom pouvait passer pour un blasphème. En fait, Livie trouvait le titre insuffisant. Qu’était-ce que Romulus, après tout ? Un simple chef de bandits – pas même un des premiers parmi les dieux. Elle conseilla donc à son mari de suggérer plutôt au Sénat le titre d’Auguste, qui avait quelque chose de semi-divin et faisait paraître par comparaison le titre de roi assez vulgaire.
    À l’instigation de Livie, Auguste fit créer par le Sénat deux divinités nouvelles, la déesse Roma, qui personnifiait le principe femelle de l’Empire romain, et le demi-dieu Jules, le héros guerrier, l’apothéose de Jules César. On avait offert les honneurs divins à Jules en Orient, alors qu’il vivait encore : le fait qu’il ne les eût pas refusés avait été une des causes de son assassinat.
    Auguste savait que la religion crée entre les provinces et la ville un lien autrement puissant que la crainte ou la reconnaissance. Après un long

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