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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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Elle savait qu’il ne reculerait devant rien pour atteindre son but : deux ans plus tôt les proscriptions lui en avaient donné la preuve. Deux mille chevaliers et trois cents sénateurs de l’opposition avaient été mis à mort, pour la plupart à l’instigation d’Auguste.
    Dès qu’elle fut sûre de lui elle lui fit renvoyer Scribonia, une femme plus âgée que lui, qu’il avait épousée par politique. Elle accusa Scribonia d’adultère avec un ami intime de mon grand-père : Auguste, qui ne demandait qu’à la croire, n’exigea pas de détails. Il répudia l’innocente Scribonia le jour même où elle mettait au monde sa fille Julie ; l’enfant fut ôtée à sa mère avant que celle-ci eût seulement le temps de la voir, et donnée en nourrice à la femme d’un affranchi. Alors ma grand-mère – elle n’avait alors que dix-sept ans, neuf de moins qu’Auguste – alla trouver mon grand-père et lui dit : « Répudie-moi. Je suis enceinte de cinq mois déjà, et ce n’est pas toi le père. J’avais fait vœu de ne plus donner d’enfant à un lâche : je tiens parole. » Quoi que mon grand-père pût penser de cette confession, il dit simplement à Livie de faire venir son complice afin de discuter la chose sans témoins. En réalité l’enfant était de lui, mais elle ne voulait pas qu’il le sût.
    Il apprit avec stupéfaction la trahison d’Auguste, qu’il croyait son ami. Mais sans doute celui-ci n’était-il pas de force à résister aux charmes de Livie : peut-être aussi lui en voulait-il encore d’avoir jadis proposé au Sénat de récompenser les assassins de Jules. Bref, mon grand-père ne lui reprocha rien. « Si tu aimes cette femme, lui dit-il, prends-la, mais que les convenances soient respectées. » Auguste s’engagea par les plus terribles serments à épouser immédiatement Livie et à ne pas la renvoyer aussi longtemps qu’elle lui resterait fidèle. Alors mon grand-père la répudia.
    Certes, ce n’était pas la crainte d’Auguste qui le faisait agir. On m’a dit qu’il regardait cette folie de sa femme comme une punition divine parce qu’une fois, en Sicile, il avait sur son conseil armé des esclaves contre des citoyens romains. De plus, elle appartenait comme lui à la famille Claudia, et il ne pouvait souffrir qu’elle fût publiquement déshonorée. Quelques semaines plus tard, il assista en personne à son mariage et la conduisit à l’autel comme l’eût fait un père – attitude d’autant plus admirable qu’il l’aimait encore et qu’il y risquait son honneur. Livie, loin de lui en être reconnaissante, s’irrita de le voir renoncer à elle sans difficulté, comme à un objet de piètre importance. Quant au Collège des Pontifes, il ferma les yeux. Il faut dire que mon grand-père et Auguste étaient Pontifes l’un et l’autre : quant au Grand Pontife, c’était Lépide, qui faisait tout ce que lui disait Auguste.
    Trois mois plus tard, l’enfant de Livie – mon père – vint au monde. Livie en voulut alors furieusement à Octavie, mon autre grand-mère, sœur d’Auguste et femme de Marc-Antoine, d’une épigramme grecque qui félicitait les heureux parents d’avoir un enfant en trois mois, de si courtes gestations ayant été jusqu’alors l’apanage des chiennes et des chattes. Je ne pense pas qu’Octavie fût réellement l’auteur de l’épigramme, mais si elle l’était, Livie la lui a fait payer cher.
    Mon père à peine sevré, Auguste le renvoya chez mon grand-père pour y être élevé avec mon oncle Tibère, son aîné de quatre ans. Au lieu de les confier à un précepteur comme c’était déjà partout la mode, mon grand-père les éleva lui-même dans l’horreur de la tyrannie et le culte de l’ancien idéal de justice, de vertu et de liberté. Bien qu’on amenât chaque jour les enfants voir leur mère au palais d’Auguste, Livie se plaignait souvent que ses fils ne lui fussent pas confiés : ce fut bien pis quand elle découvrit quelle éducation on leur donnait. Mon grand-père mourut subitement pendant qu’il était à table avec quelques amis : comme Livie et Auguste se trouvaient au nombre des invités, on étouffa l’affaire. Mon oncle Tibère, âgé de neuf ans, prononça l’oraison funèbre de son père : celui-ci, par testament, confiait les enfants à Auguste.
    Auguste aimait tendrement sa sœur Octavie, qui avait épousé Marc-Antoine. Peu après le mariage, ce dernier, parti en

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