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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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n’étaient que des bâtards, des dégénérés, des fils d’esclaves. Un Romain qui les traitait comme les héritiers légitimes des antiques héros compromettait la dignité du nom romain. Pour lui, il ne pouvait pas oublier que pendant la guerre civile ils avaient pris parti contre le grand Auguste et soutenu ce lâche et ce traître qu’était Antoine.
    Pison quitta ensuite Athènes et s’embarqua pour Rhodes. Germanicus s’y trouvait justement : il visitait l’Université. On lui rapporta ce discours de Pison, visiblement dirigé contre lui, juste au moment où les vaisseaux de ce dernier paraissaient en vue. Un grain subit s’éleva, et les bateaux de Pison se trouvèrent en mauvaise posture. Deux des plus petits coulèrent sous les yeux de Germanicus ; le troisième, qui était celui de Pison, fut démâté et dériva vers les rochers de la pointe nord. Qui donc, sauf Germanicus, n’eût abandonné Pison à son sort ? Mais il fit sortir deux galères pourvues d’excellents rameurs qui atteignirent l’épave juste à temps et la remorquèrent jusqu’au port. Un homme moins dépravé que Pison eût voué à son sauveur une reconnaissance et un dévouement éternels. Pison, lui, alla jusqu’à prétendre que Germanicus avait fait partir les sauveteurs au dernier moment dans l’espoir qu’ils arriveraient trop tard. Sans s’arrêter un jour à Rhodes, il reprit la mer malgré la tempête pour arriver en Syrie avant Germanicus.
    À peine arrivé à Antioche il commença à remanier les régiments juste à l’inverse de ce que voulait faire ce dernier. Il fit rentrer dans le rang tous les capitaines qui avaient de bonnes notes et les remplaça par des coquins à lui : ceux-ci devaient lui verser la moitié de ce qu’ils pourraient tirer de leur grade, moyennant quoi on ne leur demanderait rien de plus. De mauvais jours commencèrent pour les Syriens. Les boutiquiers des villes, les fermiers des campagnes, devaient payer une taxe aux capitaines, faute de quoi des hommes masqués faisaient irruption chez eux pendant la nuit, brûlaient leur maison et massacraient leur famille. Au début les corporations en appelèrent à Pison de ce terrorisme. Il promit une enquête immédiate et n’en fit aucune : en outre ceux qui venaient porter plainte étaient généralement assommés sur le chemin du retour. Une délégation partit pour Rome afin de demander en particulier à Séjan si Tibère était au courant de ce qui se passait. Séjan répondit que Tibère, officiellement, ne savait rien : il ordonnerait probablement une enquête – mais Pison en avait déjà fait autant, n’est-ce pas ? Le mieux était peut-être de payer la taxe aux capitaines en faisant le moins de bruit possible.
    Une délégation alla aussi trouver Germanicus, qui resta confondu de ce qu’il apprit. Il écrivit à Tibère ce qu’on lui rapportait de la conduite de Pison, et demanda l’autorisation de remplacer celui-ci par un gouverneur plus digne s’il s’apercevait que la moindre des plaintes était justifiée. Tibère répondit qu’il avait également eu vent de certaines réclamations, mais qu’elles lui avaient paru tendancieuses et dénuées de fondement. Il considérait Pison comme un gouverneur compétent et juste. Germanicus, qui ne soupçonnait pas Tibère de malhonnêteté, se confirma dans son opinion que c’était un homme naïf et facile à duper. À ce moment on lui dit qu’il existait une autre charge sérieuse contre Pison : un complot avec Vonones, le roi dépossédé d’Arménie, actuellement réfugié en Syrie, pour rétablir ce dernier sur son trône. Vonones était immensément riche : il avait pris la fuite en emportant la presque totalité du trésor d’Arménie, et Pison comptait bien tirer profit de l’affaire. Germanicus partit aussitôt pour l’Arménie, réunit les nobles en assemblée, et de sa propre main, mais au nom de Tibère, posa le diadème sur la tête de celui qu’ils choisirent pour roi. Puis il ordonna à Pison de venir en Arménie à la tête de deux régiments pour rendre ses devoirs de voisin au nouveau monarque. Pison se garda bien d’obéir. Germanicus vint alors en Syrie et trouva Pison aux quartiers d’hiver du 10 e régiment.
    Plusieurs officiers assistèrent à l’entretien, car Germanicus ne voulait pas qu’on pût faire là-dessus de faux rapports à Tibère. Il commença, d’une voix aussi douce que possible, par demander à Pison la raison de sa

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